
Harry Potter a une cape d’invisibilité. Est-ce seulement de la fiction ? Que signifie voir un objet ? Et, par conséquent, que signifie ne pas voir un objet ?
Pour la vision, il faut de la lumière. Nous voyons un objet (ici, l’objet rouge) parce que celui-ci émet des rayons lumineux qui se propagent jusqu’à notre œil.
Par contre, si un deuxième objet (ici, l’objet bleu) est situé entre le premier objet et notre œil, alors nous ne voyons pas le premier objet. Nous ne le voyons pas parce que nous voyons le deuxième objet et que celui-ci cache le premier.
Mais, supposons qu’au lieu d’un objet bleu nous ayons un objet complètement transparent. Alors, nous ne le verrions pas et nous verrions au travers de cet objet transparent l’objet rouge qui est derrière.
Cela signifie que si l’objet du milieu est invisible, on doit voir tout ce qui est derrière cet objet, comme si cet objet n’existait pas.
Maintenant, dans cette dernière figure, oublions la partie du milieu.
Les rayons partant de l’objet rouge arrivent à l’œil comme s’il n’y avait rien au milieu.
C’est maintenant le moment de faire marcher notre imagination. Peut-on imaginer un autre intérieur à cette boîte que celui qu’on avait ci-dessus ? Par exemple celui-ci :
Les rayons partant de l’objet rouge arrivent à l’œil comme si l’objet bleu n’était pas là. Et aucun rayon issu de l’objet bleu n’arrive à l’œil.
L’objet bleu est invisible !
Est-ce possible ? Pas tout à fait. Premier obstacle : il restera toujours un tout petit tube de rayons allant de l’objet bleu vers l’œil. Mais, si ce tube a un rayon suffisamment petit, notre œil ne le détectera pas.
Deuxième obstacle : sur la figure les rayons lumineux sont courbés. Pourtant, n’a-t-on pas l’impression que la lumière se propage en ligne droite ?
En fait, on apprend en physique dans les cours d’optique que la lumière se propage en ligne droite dans un milieu homogène, où sa vitesse est constante. Mais la vitesse de la lumière dépend du milieu où elle se propage. Ainsi, la lumière se propage plus lentement dans l’eau que dans l’air. Et, lorsqu’un rayon lumineux traverse de l’air à l’eau, il fait un angle.
Le phénomène est décrit par la loi de la réfraction de la lumière (voir encadré). Cette loi ne prévoit qu’un angle dans le rayon lumineux : c’est parce que la vitesse de la lumière est constante dans chacun des deux milieux. Mais, on peut imaginer que dans l’atmosphère la vitesse de la lumière n’est pas constante : la vitesse dépend de la pression, de la température, du niveau d’humidité, etc. Ces petites variations forcent les rayons lumineux à se propager le long de courbes dans l’espace. Calculer la forme de ces courbes, étant donné la vitesse de la lumière en chaque point fait partie d’un grand domaine des mathématiques appelé le calcul des variations. Ici, on veut résoudre le problème inverse. Peut-on décider quelle devrait être la vitesse de la lumière en chaque point pour que les rayons suivent les courbes de la figure ?
La réponse est OUI !
Donc, Harry Potter peut se rendre invisible ? Ne nous réjouissons pas trop vite. Avoir des rayons aussi courbés que sur la figure demande de très grandes variations de la vitesse de la lumière autour de l’objet. Ceci n’est pas possible avec les fluides que nous connaissons comme l’air et l’eau. Il faut « tricher » avec les matériaux pour forcer de si grandes variations dans la vitesse de la lumière.
Mais ces idées sont très riches et ont un grand potentiel d’applications sur lesquelles il se fait beaucoup de recherche. La lumière est une onde optique (électromagnétique). Il existe d’autres ondes qui se propagent comme la lumière en obéissant aux lois de la réflexion et de la réfraction, par exemple les ondes acoustiques, ou encore les ondes sismiques1. Ainsi, on peut utiliser ces idées pour concevoir des boucliers anti-tremblements de terre autour des bâtiments.
Une autre application possible est celle de boucliers autour des stations pétrolières ou d’autres stations océaniques, les rendant ainsi invisibles aux tsunamis. Un tel bouclier aurait une forme comme ci-dessous.

© M Farhat/S Enoch/S Guenneau/A B Movchan, CNRS, Aix-Marseille Université, Liverpool University
La loi de la réfraction de la lumière
Considérons un rayon se propageant à vitesse \(v_1\) dans un premier milieu et pénétrant dans un deuxième milieu dans lequel il se propage à vitesse \(v_2\).
Si \(\theta_1\) et \(\theta_2\) sont les angles que font le rayon dans le premier et le deuxième milieu avec la normale à la surface de séparation, alors la loi de la réfraction dit que
\[\displaystyle \frac{\sin\theta_1}{v_1} = \frac{\sin \theta_2}{v_2}.\]
- Voir « Comment Inge Lehmann a découvert le noyau interne de la Terre », Accromath 8.1, 2013. ↩