Comment disposer des antennes en téléphonie mobile de telle sorte que toute personne puisse avoir accès au signal en tout point d’un territoire ?
Minimiser le nombre d’antennes à installer est un problème important pour les compagnies qui offrent la téléphonie mobile et l’accès à internet. On va étudier le problème sous des hypothèses simplificatrices : on suppose qu’on regarde un « grand » territoire, ce qui permet de négliger les effets au bord. On suppose aussi que le territoire est plat et que le signal n’est pas bloqué par une montagne proche. Alors, si \(d\) est la distance maximale à une antenne pour recevoir son signal, la question est de savoir où placer des antennes en nombre minimal, de telle sorte qu’en tout point du territoire on soit à une distance au plus \(d\) d’une antenne.
Commençons par regarder des réseaux particuliers.
Le réseau triangulaire équilatéral
Prenons le cas d’antennes placées aux points d’un réseau de triangles équilatéraux de côté \(a\).
Dans chaque triangle, le point le plus éloigné des antennes est le centre du cercle circonscrit au triangle. Il est situé aux points d’intersection des médiatrices.
On peut vérifier que ce point d’intersection est situé aux 2/3 de la hauteur à partir du sommet. La hauteur a longueur \(h= \sqrt{3a}/2.\) Donc,
\[\displaystyle d= \frac{2}{3}h=\frac{2}{3} \frac{\sqrt{3}}{2}a =\frac{a}{\sqrt{3}},\]
ce qui donne \(a=\sqrt{3}d\).
Quadrillons de triangles équilatéraux un grand territoire carré de côté \(L\). Sur les rangées horizontales les antennes sont à la distance \(a\). Donc, on a besoin d’environ \(\displaystyle \frac{L}{a}=\frac{L}{d\sqrt{3}}\) antennes sur chaque rangée. De plus, les rangées d’antennes sont à la distance h les unes des autres. Donc, on a besoin d’environ \(\displaystyle\frac{L}{h}=\frac{2L}{a\sqrt{3}}=\frac{2L}{3d}\) rangées d’antennes. Au total, on a besoin d’environ \(\displaystyle\frac{2L^2}{3\sqrt{3}d^2} \approx 0,385 \displaystyle\frac{L^2}{d^2}\) antennes pour couvrir le territoire si on néglige les effets au bord.
Le réseau carré
Prenons maintenant des antennes aux points d’un réseau carré, et soit \(b\) la longueur du côté du carré.
On veut que la distance d’un sommet d’un carré au centre du carré soit égale à \(d\).
La diagonale du carré a longueur \(\sqrt{2b}\) et \(d\) doit être égal à la moitié de ce nombre. Donc, \(d= \displaystyle \frac{b}{\sqrt{2}}\), ce qui donne \(b=\sqrt{2}d.\) Comptons maintenant le nombre d’antennes requis pour couvrir un grand carré de côté \(L\).
Sur chaque rangée horizontale on a besoin de \(\displaystyle \frac{L}{b}=\frac{L}{\sqrt{2}d}\) antennes et on a besoin du même nombre de rangées. Donc, au total, on a besoin de \(\displaystyle\frac{L^2}{2d^2} \approx 0,5 \frac{L^2}{d^2}\) antennes.
On voit déjà que le réseau triangulaire est meilleur de 23 %.
Le réseau hexagonal
On considère un réseau d’hexagones de côté \(c\).
Il est facile de vérifier que \(c = d\).
Comptons maintenant le nombre d’antennes nécessaires pour un grand carré de côté \(L\). Sur chaque rangée horizontale, les distances entre les antennes alternent entre \(2c\) et \(c\). Donc la distance moyenne entre deux antennes est \(3c/2 = 3d/2\). Il faut donc \(2L/3d\) antennes par rangée. La distance entre les rangées est la hauteur du triangle équilatéral de côté \(c\), soit
\[h=\displaystyle \frac{\sqrt{3}}{2}c=\frac{\sqrt{3}}{2}d.\]
Donc, on a besoin de \(L/h = 2L/\sqrt{3}d\) rangées. Au total, on a besoin d’environ
\[\displaystyle \frac{4L^2}{3\sqrt{3}d^2} \approx 0,77 L^2/d^2\]
antennes, soit exactement le double du nombre nécessaire avec le réseau triangulaire. On peut comprendre pourquoi ce nombre est exactement le double. En effet, chacun de ces réseaux peut être obtenu de l’autre en prenant les antennes au centre des cellules, et on voit sur la figure (en haut à droite) que le \(d\) est le même pour les deux réseaux (le petit segment rouge sur la figure). Sur chaque rangée horizontale, on a deux antennes du réseau hexagonal pour une antenne du réseau triangulaire.
Une autre manière de faire les calculs
On aurait pu faire les calculs un peu différemment. Prenons le cas du réseau triangulaire, et supposons que notre grande région a pour aire \(A\). Chaque triangle a pour aire \(\displaystyle \frac{1}{2}ah=\frac{3\sqrt{3}}{4}d^2.\)
Donc, on a environ \(N = 4A/3\sqrt{3}d^2\) triangles.
Chaque triangle a trois antennes, mais chaque antenne est partagée par six triangles. Donc, on a deux fois moins d’antennes que de triangles, soit \(2A/3\sqrt{3}d^2\) antennes, comme calculé précédemment. À vous de faire les mêmes calculs pour les réseaux carré et hexagonal.
Le cas général
Nous avons exploré trois réseaux et vu que le réseau triangulaire équilatéral est bien plus économique que les deux autres. En fait, il est connu que l’on ne peut faire mieux, mais une preuve rigoureuse traitant le cas général est très difficile. Par contre, si on explore d’autres exemples particuliers de réseaux, on verra qu’ils sont tous moins bons que le réseau triangulaire équilatéral.
Et si le territoire n’est pas très grand ?
Si le territoire est un grand carré, nous avons négligé les effets au bord, parce que le périmètre est \(P = 4L\), alors que l’aire est \(A = L^2\) et que \(P\) est pas mal plus petit que \(A\) si \(L\) est grand. Mais, bien sûr, un bon positionnement des antennes est nécessaire auprès du bord. Aussi, si le territoire a une forme compliquée, ou des ramifications, ou encore des montagnes qui constituent des obstacles au signal, un positionnement plus astucieux devra être recherché, possiblement par tâtonnements.