
Les éclipses sont des phénomènes du système des trois corps : le Soleil, la Terre et la Lune. Dans ce système, le Soleil est la source lumineuse. Une éclipse solaire se produit lorsque la lumière du Soleil est bloquée par la Lune, et une éclipse lunaire se produit quand la Lune passe dans l’ombre de la Terre. Les éclipses se produisent irrégulièrement. L’Amérique du nord a observé une spectaculaire éclipse solaire totale le 8 avril 2024. Une éclipse lunaire totale sera visible dans les Amériques dans la nuit du 13 au 14 mars 2025, précisément pour la Journée internationale des mathématiques 2025.
Le système Terre, Lune, Soleil
La Terre tourne autour du Soleil. Cependant, nous observons le phénomène depuis la Terre. Si nous ignorons la rotation de la Terre autour de son axe, laquelle est responsable de l’alternance des jours et des nuits, nous observons que le Soleil complète une rotation autour de la Terre en 365,25 jours. Observer le phénomène depuis la Terre est appelé le point de vue géocentrique. La Lune tourne aussi autour de la Terre et accomplit une rotation complète en 27,32 jours. Comme c’est souvent le cas, la modélisation mathématique aide à comprendre le phénomène. On commence par le modèle le plus simple possible dont on tire de riches enseignements avant d’en corriger les lacunes en ajoutant des sophistications au modèle.
Le modèle plan et les phases de la Lune
Ceci suggère un premier modèle très simple, le modèle plan, dans lequel les trois corps se meuvent dans un plan, le Soleil et la Lune se déplaçant à vitesse constante, dans le même sens, sur des cercles centrés au centre de la Terre.
Déjà, dans ce modèle on peut observer les phases de la Lune.
En effet, le Soleil éclaire la moitié de la Lune qui lui fait face. Selon la position du Soleil et de la Lune sur leurs orbites, depuis la Terre on ne voit qu’une portion de la partie éclairée de la Lune. Il peut paraître surprenant que la période de la Lune autour de la Terre soit de 27,32 jours, alors que la période entre deux pleines lunes consécutives est de 29,53 jours (voir encadré). C’est que le Soleil a tourné lui aussi pendant que la Lune effectuait une rotation.
La pleine lune est observée quand, depuis la Terre, on voit la totalité de la partie éclairée de la Lune. Tout de suite, on voit un problème avec le modèle plan. Dans la seule position possible pour cela, la Terre projette son ombre sur la Lune et on a une éclipse lunaire… C’est pourquoi on a dessiné la Terre en transparence dans la figure. On reviendra plus bas avec une correction du modèle pour régler ce problème.
Mais continuons à analyser le modèle plan. Même s’il présente des problèmes, il est riche d’instructions.
Éclipse solaire dans le modèle plan
La nouvelle lune se produit quand le Soleil éclaire la face cachée de la Lune, ce qui se produit quand la Lune est entre le Soleil et la Terre. Dans le modèle plan (qui est faux), la Lune nous cache alors le Soleil, et on a une éclipse solaire à chaque nouvelle lune.
Une telle éclipse solaire peut être totale ou annulaire : dans le second cas, la partie cachée du Soleil a un rayon apparent inférieur au rayon apparent du Soleil depuis la Terre.
Dans la section problèmes vous pouvez explorer les conditions sur les rayons du Soleil, de la Terre et de la Lune et sur les rayons des orbites de la Terre et de la Lune sous lesquelles une éclipse solaire est totale ou annulaire.
Éclipse lunaire dans le modèle plan
Dans notre modèle plan (qui est faux), une telle éclipse se produit à chaque pleine lune. Contrairement aux éclipses solaires, on n’observe pas d’éclipses lunaires annulaires. Ce dernier cas se produirait si la Lune était trop grosse pour être complètement cachée par l’ombre de la Terre.
Dans la section problèmes vous pourrez explorer les conditions interdisant les éclipses lunaires annulaires.
Remarquons que dans le modèle plan, la période des phases de la Lune, des éclipses solaires et des éclipses lunaires est la même. Cette période est calculée dans l’encadré.
En fait, dans le modèle géocentrique le Soleil tourne autour de la Terre dans le plan de l’écliptique et la Lune tourne dans un plan qui fait un angle de 5°9′ avec le plan de l’écliptique (l’angle a été exagéré dans la figure pour mieux montrer la géométrie). L’intersection de ces deux plans est la ligne des nœuds.
Le modèle spatial circulaire
Dans ce deuxième modèle, la Lune et le Soleil tournent autour de la Terre dans leur plan respectif, chacun se mouvant à vitesse constante sur un cercle centré au centre de la Terre. Et on voit que les trois corps ne peuvent être alignés que s’ils sont tous les trois sur la ligne des nœuds.
Dans une éclipse solaire, la Lune et le Soleil sont situés du même côté de la Terre, alors que dans une éclipse lunaire ils sont de part et d’autre de la Terre.
Le modèle montre que les phases de la Lune ne sont pas tout à fait exactes. Ainsi, à la pleine Lune on ne voit pas exactement toute la face éclairée de la Lune : le seul moyen de le faire serait d’être en position d’éclipse lunaire avec la Terre réduite à un point.
On peut se demander quelle serait la fréquence des éclipses dans ce modèle. Supposons que les trois corps sont alignés sur la ligne des nœuds. Pour la prochaine occurrence du même alignement il faudrait qu’un nombre entier n de périodes du Soleil soit égal à un nombre entier m de périodes de la Lune. C’est un peu plus compliqué que cela en pratique parce que la ligne des nœuds elle-même tourne dans le sens horaire d’un peu plus de 19 degrés par an, ce qui fait que le cycle des éclipses se reproduit approximativement tous les 18 ans.
La période entre des phases identiques de la Lune et entre des éclipses dans le modèle plan.

La période entre deux pleines lunes
Rappelons que la Lune tourne autour de la Terre en 27,32 jours, que le Soleil tourne autour de la Terre en 365,25 jours, et qu’ils tournent dans le même sens. En t jours le Soleil a parcouru un angle de 360 t/365,25 degrés et la Lune a parcouru un angle de 360 t/27,32 degrés. Supposons qu’au départ les trois corps soient alignés. Au prochain temps t où ils seront alignés dans les mêmes positions relatives le soleil aura parcouru une fraction de tour et la Lune. un tour complet plus cette même fraction de tour. Donc, t satisfait à l’équation
\[360 t/27,32 = 360 + 360 t/365,25,\]
dont la solution est t = 29,53 jours.
Mais on a des éclipses bien plus souvent que tous les 18 ans ?
La raison en est que l’angle entre les deux plans de rotation est petit. Donc, il est possible que les trois corps ne soient pas totalement alignés, mais presque alignés. Dans ce dernier cas, selon la taille des rayons des trois corps et les distances les séparant, il est encore possible d’avoir des éclipses totales, mais le corps non visible (le Soleil ou la Lune) n’est pas centré dans le cône d’ombre. On a aussi souvent des éclipses partielles, lors desquelles, pendant toute la durée de l’éclipse, seulement une partie du Soleil ou de la Lune est cachée aux observateurs terrestres.
Il existe un dernier type d’éclipse lunaire, les éclipses pénombrales. La pénombre est la zone qui reçoit une partie des rayons du Soleil mais pas tous. Une éclipse est dite pénombrale si la Lune traverse uniquement la pénombre. Elle peut être totale ou partielle.
Éclipses totales versus éclipses annulaires
Selon les rayons des trois corps et les rayons des orbites du Soleil et de la Lune, nos modèles circulaires ne permettent des éclipses solaires que d’un seul type, soit toutes totales, soit toutes annulaires. Et de même pour les éclipses lunaires. C’est parce que nos modèles sont trop pauvres. En effet, la Terre tourne autour du Soleil sur une ellipse avec le Soleil presque à un foyer (C’est le modèle héliocentrique classique). Cette ellipse est très peu aplatie, ce qui explique que le modèle circulaire soit tout de même riche d’instructions. Si on revient au modèle géocentrique on peut vérifier que le Soleil ne tourne pas autour de la Terre sur un cercle, mais sur une ellipse. Donc, la distance Terre-Soleil varie au cours du temps avec une période de 365,25 jours. De même, la Lune tourne autour de la Terre le long d’une ellipse, elle aussi peu aplatie et la distance Terre-Lune varie avec une période de 27,32 jours. Ceci permet des éclipses totales ou annulaires selon les distances entre les trois corps au moment de l’éclipse. Si on regarde la figure ci-contre qui représente une éclipse solaire totale dans laquelle la projection de la Lune a exactement la taille du Soleil, on voit qu’on aura une éclipse solaire annulaire si, soit le Soleil se rapproche de la Terre, soit la Lune s’éloigne de la Terre.