Adolphe Quételet est reconnu pour avoir appliqué les méthodes développées par les astronomes à l’étude des êtres humains et des comportements sociaux.
Le mathématicien, astronome, naturaliste, statisticien et sociologue belge Adolphe Quételet est né à Gand en 1796 et est mort à Bruxelles en 1874. Étudiant au Lycée français de Gand, il a comme camarade de classe Germinal-Pierre Dandelin (1794-1846) avec lequel il se lie d’amitié. Ils s’intéressent tous deux aux sciences et à la littérature et ont rédigé conjointement des pièces de théâtre, des poèmes, des fabliaux et des romances. Quételet a obtenu un doctorat en mathématiques de l’Université de Gand en 1819. Une partie de sa thèse portait sur les sections coniques. Ce mémoire lui vaut d’être reconnu, avec Dandelin, comme auteur des théorèmes qui relient les définitions des sections d’un cône par un plan aux définitions de d’ellipse, d’hyperbole et de parabole utilisées en géométrie analytique1. Une autre partie de sa thèse est un mémoire intitulé Démonstration et développement des principes fondamentaux de la théorie des caustiques secondaires2.
Quételet a enseigné les mathématiques à Gand et à Bruxelles à partir de 1819. Dans les années 1820, il réussit à convaincre l’administration du royaume des Pays-Bas, dont fit partie la Belgique jusqu’en 1830, de construire un observatoire astronomique à Bruxelles. Pour préparer ce projet, il a passé quelques mois à l’Observatoire de Paris, en 1823, pour y rencontrer les astronomes Alexis Bouvard, François Arago, Pierre Simon de Laplace, Joseph Fourier et Siméon Denis Poisson. Ce séjour eut une importance décisive sur sa carrière, il s’est alors initié à l’usage que les astronomes faisaient du calcul des probabilités dans le contrôle des erreurs de mesure en astronomie. Quételet s’est demandé si les phénomènes humains et sociaux ne présentaient pas les mêmes régularités dans leur distribution que les phénomènes naturels. En relevant les mensurations de conscrits français et en analysant celles de 5 000 soldats écossais présentées en 1817 dans la revue Edinburg Medical Journal, Quételet a constaté que les données biométriques de l’homme, comme le poids, la taille, le périmètre thoracique, se répartissaient selon une courbe normale. C’est pourquoi il est considéré comme l’un des fondateurs de l’anthropométrie et de la biostatistique. Il a constaté que ces données oscillaient autour de valeurs moyennes et que ces valeurs moyennes tendaient à être constantes. Quételet devint ainsi le premier à utiliser la courbe normale autrement que pour la répartition d’erreurs en astronomie et en physique. Il a ensuite étendu ces notions à l’ensemble des caractéristiques physiques en créant la notion d’homme moyen qu’il a présentée en 1835, dans son ouvrage intitulé Sur l’homme et le développement de ses facultés ; Essai d’une physique sociale.
L’homme moyen d’une population est, selon Quételet, un individu dont les caractéristiques physiologiques sont chacune égales à la moyenne des caractéristiques physiologiques de l’ensemble des individus de la population.
De plus, en appliquant les lois des probabilités aux phénomènes humains, il a démontré la constance des taux de criminalité, la régularité des suicides par année et du nombre de mariages selon l’âge.
Ne serait-il pas absurde de croire que pendant que tout se fait d’après des lois si admirables, l’espèce humaine seule reste abandonnée aveuglément à elle-même, et qu’elle ne possède aucun principe de conservation? Nous ne craignons pas de dire qu’une pareille supposition serait plus injurieuse à la divinité que la recherche même que nous proposons de faire.
– Quételet, Du système social et des lois qui le régissent, 1848.
Les études de Quételet sur la constance numérique des crimes ont suscité une large discussion philosophique sur les notions de liberté et de déterminisme social. Comment concilier le libre arbitre avec le fait que le nombre de crimes ou de mariages est constant d’une année à l’autre?
En 1832, à la demande du gouvernement belge, Quételet a assisté à la réunion de l’Association britannique pour l’Avancement des Sciences. Il y présenta une communication sur les étoiles filantes et le magnétisme et suggéra de créer une section spéciale de statistique. En 1834, il a participé à la mise sur pied de la Royal Statistical Society de Londres et de la Section statistique de la British Association for the Advancement of Science et fut nommé secrétaire permanent de l’Académie royale de Belgique.
Fondateur de plusieurs sociétés et journaux de statistique, dont les Transactions of the Statistical Society of London en 1837, il s’est impliqué dans la création d’une coopération internationale entre statisticiens. En 1841, il fut président fondateur du premier bureau statistique gouvernemental au monde, créé sur son insistance, la Commission Centrale de Statistique (qui est devenue le Conseil Supérieur de Statistique en 1946). En 1846, il a organisé le premier recensement belge à caractère scientifique.
Il fut élu président du bureau provisoire du premier congrès international de statistique organisé Ã son instigation en Belgique en 1853. Ses participations ultérieures aux différents congrès de statistique furent l’occasion pour lui de défendre le principe d’une statistique scientifique reposant sur le calcul des probabilités. Ce principe a amené le congrès de Florence de 1867 à créer une section spéciale chargée de s’occuper de ce problème. Par ailleurs, Quételet chercha à promouvoir l’uniformisation des méthodes de collecte de données, de traitement et de présentation des résultats d’analyse, proposant à cette fin un plan de collecte international des données de la population.
Quételet a posé les bases de la statistique moderne et publié différents mémoires sur les lois de la natalité et de la mortalité, la taille et le poids chez l’être humain selon les âges, le penchant au crime aux différents âges, ce qui l’a amené à élaborer un système sociologique où il fit figure de novateur en appliquant la statistique aux phénomènes humains.
Les outils d’analyse de Quételet, calculs de moyennes et examen rudimentaire de séries chronologiques, ont été largement dépassés par les outils mathématiques inventés par les biométriciens anglais de la fin du XIXe siècle, Francis Galton, Karl Pearson et Ronald Fisher à qui l’on doit les notions de variance, de corrélation, de régression et le test du chi-deux.
- Voir Les sphères de Dandelin. ↩
- Voir Mathématiques de la tasse de thé. ↩