
Homme du Siècle des Lumières, D’Alembert a œuvré dans divers domaines de la connaissance: littérature, philosophie, mathématiques, astronomie, physique. Il fit son entrée à l’Académie des sciences en 1742 à l’âge de 23 ans, comme adjoint de la section d’Astronomie et fut élu membre de l’Académie française en 1754. Il devint secrétaire perpétuel de cette institution en 1772.
Jean Le Rond D’Alembert était le fils naturel du chevalier Louis-Camus Destouches, général d’artillerie et de Claudine Alexandrine Guérin marquise de Tencin. Sa mère était une ancienne religieuse qui obtint une dispense papale la relevant de ses vœux. Elle eut par la suite une brillante carrière où se mêlaient les intrigues politiques et les aventures amoureuses. Son aventure avec le chevalier Destouches conduisit à la naissance d’un fils illégitime. Le père étant à l’extérieur du pays à la naissance de l’enfant, la mère abandonna son fils sur les marches de l’église St-Jean-le-Rond près de Notre-Dame. Il fut heureusement aussitôt recueilli, c’était en novembre 1717, il fut confié à un orphelinat où on le baptisa Jean Le Rond, du nom de l’église où il avait été trouvé. De retour à Paris, le chevalier Destouches récupéra son fils et le confia à la femme d’un verrier, Mme Rousseau, que D’Alembert a toujours considéré comme sa mère, repoussant avec mépris Mme de Tencin lorsque celle-ci voulut se rapprocher de son fils devenu célèbre.
La famille Destouches s’est occupée de lui, même après la mort de son père alors qu’il n’avait que neuf ans. À douze ans, il s’inscrivit au collège des Quatre Nations. Il a étudié en sciences, en théologie, en droit et en médecine et manifesta un intérêt particulier pour les mathématiques. Il fit des progrès rapides dans ce domaine, ce qui est remarquable puisqu’il étudiait les mathématiques surtout en autodidacte.
Une contribution importante de D’Alembert est sa collaboration à l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers qui est une entreprise intellectuelle majeure du XVIIIe siècle, le Siècle des lumières. Il est, dans cet ouvrage, l’auteur du Discours préliminaire, de presque toute la partie mathématique et de nombreux articles scientifiques et philosophiques.
En 1747, il fut récipiendaire du prix de l’Académie de Prusse pour son essai « Réflexions sur la cause générale des vents ». Euler a constaté la puissance des méthodes présentées par D’Alembert et les a appliquées et développées. À 37 ans, D’Alembert devint membre de l’Académie française dont il fut nommé secrétaire perpétuel en 1772.
Durant sa vie, D’Alembert a manifesté beaucoup d’animosité envers la religion et les dernières années de sa vie ont été marquées par une santé chancelante. Il s’est alors tourné vers la littérature et la philosophie. Il est mort à Paris, le 29 octobre 1783. Incroyant notoire, il fut enterré dans une fosse commune sans épitaphe.
Physique
En 1743, dans le Traité de dynamique, D’Alembert énonce le principe de la conservation de la quantité de mouvement, qui est parfois appelé principe de D’Alembert.
« Si l’on considère un système de points matériels liés entre eux de manière que leurs masses acquièrent des vitesses respectives différentes selon qu’elles se meuvent librement ou solidairement, les quantités de mouvements gagnées ou perdues dans le système sont égales. »
Ce principe a permis d’étendre le champ d’application des lois de Newton à des systèmes de référence non galiléens. D’Alembert posait ainsi les bases sur lesquelles Lagrange (Joseph-Louis, 1736-1813) allait construire la Mécanique analytique.
Astronomie
En 1749, D’Alembert publia un mémoire sur la précession des équinoxes, c’est-à-dire le lent changement de la direction de l’axe de rotation de la Terre. Ce phénomène, dont la période est de 26 000 ans, avait été constaté par Hipparque (vers ~190 à ~120) dans l’Antiquité. Newton avait compris intuitivement que la cause de ce phénomène devait être l’action des forces de gravitation du Soleil et de la Lune sur le corps non rigoureusement sphérique qu’est la Terre. En étudiant cette hypothèse, D’Alembert effectua les calculs démontrant qu’elle était en accord avec l’observation. Par ses travaux sur le difficile problème que constituait pour les astronomes l’explication du mouvement de la Lune, il est le précurseur de la Mécanique céleste de Laplace (Pierre-Simon, 1749-1827).
Mathématiques
Dans le Traité de dynamique, il énonce le théorème de d’Alembert (aussi connu sous le nom théorème de Gauss-D’Alembert) selon lequel « tout polynôme de degré n à coefficients complexes possède exactement n racines dans l’ensemble des nombres complexes ». Ce théorème dont il donne une démonstration partielle, sera démontré dans toute sa généralité au XIXe siècle par Gauss (Carl Friedrich, 1777-1855).
Contrairement aux mathématiciens de son époque, dont les Bernoulli et Euler, D’Alembert concevait la dérivée d’une fonction comme la limite du quotient de la variation de la variable dépendante sur la variation de la variable indépendante. Cette façon de concevoir la dérivée d’une fonction en fait le précurseur de Cauchy (Augustin Louis, 1789-1858).
D’Alembert a étudié la vibration des cordes et a montré que le mouvement d’une corde vibrante est représenté par une équation aux dérivées partielles.
Dans un de ses articles de l’Encyclopédie portant sur le calcul différentiel, D’Alembert a communiqué ses idées sur la notion de limite, idées qui l’ont amené à imaginer le test connu sous le nom de « test du rapport » ou « test de D’Alembert ».
Par ses travaux, D’Alembert a contribué largement à affranchir la science du joug de
la religion. Il s’inscrit ainsi dans la foulée de Galilée (1564-1642), Copernic (Nicolas, 1473-1543), Descartes (René, 1596-1650) et plusieurs autres qui ont osé remettre en question les enseignements issus de la scolastique dont la démarche consistait à faire l’inventaire des opinions sur un sujet, examiner leur recevabilité du point de vue philosophique et théologique, ce qui signifiait rejeter toute opinion contredisant les enseignements d’Aristote. C’est dans ce cadre que les travaux de Galilée et de Copernic ont été condamnés. Dans la démarche, initiée par Galilée et Francis Bacon, de recourir à l’expérience plutôt qu’à l’autorité pour expliquer les phénomènes physiques, la théologie et la philosophie ont graduellement cédé la place aux mathématiques.
Test de D’Alembert ou test du rapport
Soit \(\displaystyle \sum_{n-1}^{\infty}u_n\}\) un une série numérique à termes strictement positifs pour laquelle le rapport
\[\frac{u_{n+1}}{u_n}\]
tend vers une limite \(R ≥ 0.\) Alors:
si \(R < 1\): la série de terme général \(u_n\) converge; si \(R>1\): la série de terme général \(u_n\) diverge, car \(u_n\) ne tend pas vers 0;
si \(R = 1\): on ne peut conclure.
Considérons par exemple deux cas où le rapport est égal à 1.
Si \(u_n = \frac{1}{2}\),alors on a divergence. Si \(u_n = \frac{1}{n^2}\), alors on a convergence.