
Zia et Léo échangent sur la démonstration de Georg Cantor que le nombre de points du segment ouvert [0; 1[ est le même que celui de la surface du carré construit sur ce segment.
Zia
Penses-tu qu’il y a plus de points sur le segment [0; 1[ que dans la surface du carré construit sur ce segment ?
Léo
C’est évident, il y en a plus dans la surface du carré. C’est une drôle de question, où veux-tu en venir ?
Zia
Et si je te disais que Cantor a démontré qu’il y a autant de points sur le segment de droite que dans le carré, qu’est-ce que tu dirais ?
Léo
Je serais abasourdi, pour sûr.
Zia
Très bien, allons-y ! D’abord il faut s’assurer que l’on a la même compréhension des éléments utilisés dans la démonstration. Tu sais ce qu’est une bijection ?
Léo
Je crois que c’est une correspondance biunivoque entre les éléments de deux ensembles.
Zia
Et biunivoque, qu’est-ce que ça veut dire ?
Léo
Ça veut dire qu’à un élément du premier ensemble correspond un et un seul élément du second, et réciproquement.
C’est comme dans une représentation à guichet fermé. Les spectateurs ont tous un et un seul siège et tous les sièges sont occupés par un et un seul spectateur.
Zia
Quelle conclusion peut-on tirer lorsqu’on peut définir une bijection entre deux ensembles ?
Léo
Dans le cas du spectacle à guichet fermé, je peux conclure qu’il y a autant de spectateurs que de sièges. En général, ça permet de conclure que les deux ensembles ont le même nombre d’éléments.
Zia
Alors, pour montrer qu’il y a autant de points sur le segment de droite [0; 1[ que dans le carré construit sur ce segment, je dois définir une bijection entre ces deux ensembles.
Léo
Bonne chance !
Zia
Chacun des points du segment de droite est caractérisé par un développement décimal illimité, en ajoutant des 0 si nécessaire. Considérons, par exemple, le point situé à une distance 0,483 576… de l’origine 0.
Je peux scinder la partie décimale en deux parties décimales qui sont également infinies. Je retiens les décimales en position impaire pour former un premier développement, ce qui me donne 0,437… Avec les décimales paires je forme un second développement infini, soit 0,856…
Avec ces deux développements, je forme un couple de coordonnées, soit (0,437…; 0,856…).
Léo
Tu obtiens les deux composantes d’un point du carré construit sur le segment [0; 1[ ?
Zia
Tout à fait. Tu reconnais aussi que je peux faire la même chose avec tout point du segment de droite.
Léo
Oui, mais je ne suis pas certain que chaque point situé sur les segments horizontaux et verticaux seront ainsi associé à un nombre du segment de droite.
Zia
Je te fais remarquer que l’ensemble [0; 1[ est ouvert à droite. Le nombre 1 ne fait donc pas partie de l’ensemble. Le carré construit sur ce segment ne contient donc pas les segments en haut et à droite du carré.
Léo
Oui, mais l’intervalle est fermé à gauche. Comment être certain que tous les points sur le segment horizontal en bas de la figure ont un correspondant ?
Zia
Un nombre n’ayant que des 0 en position paire est associé à un point sur le segment horizontal. Par exemple, le nombre 0,201 040… correspond au point (0,214…; 0,000…), alors que le point situé à une distance de 0,003 020… est associé au point du plan de coordonnées (0,032…; 0,000…).
Léo
Et sur le segment vertical ?
Zia
Pas de problème non plus, il faut que le nombre n’ait que des 0 en position impaire. Par exemple, le nombre 0,010 300… est associé au point de coordonnées (0,000…; 0,130…), alors que le nombre 0,000 405… est associé au point de coordonnées (0,000…; 0,045…).
Léo
Bon, je te l’accorde, ça signifie qu’à chaque point du segment de droite, tu peux faire correspondre un et un seul point du carré construit sur ce segment.
Malheureusement pour toi, pour pouvoir dire que tu as une bijection, il faut que tu puisses faire correspondre à chaque point de la surface du carré un et un seul point du segment de droite.
Zia
Pas de problème non plus. Chaque point du plan est représenté par deux coordonnées et chacune de celles-ci est une suite décimale illimitée.
Je prends donc un point quelconque de la surface du carré. Pour illustrer la méthode, supposons que les coordonnées de ce point sont
(0,624…; 0,257…)
Je construis alors un nombre avec développement décimal illimité en prenant comme composantes impaires les valeurs décimales de la première coordonnée
de ce point et celles de la deuxième coordonnée comme composantes paires. J’obtiens ainsi
0,622 547…
et je reporte cette longueur sur le segment [0; 1[ .
Tu reconnais que je peux faire la même chose pour tout point du plan.
Léo
Oui et ça veut dire qu’à chaque point du plan tu peux faire correspondre un et un seul point du segment de droite [0; 1[. J’en suis abasourdi.
Zia
Penses-tu qu’on peut établir une relation biunivoque entre le segment de droite [0; 1[ et le cube construit sur ce segment ?
Léo
Bonne question. Les développements sont infinis, il est donc possible de les scinder en trois parties et de représenter ainsi un point dans le cube et réciproquement. Tout à fait étonnant !
À suivre.