
Dans cet article, on s’intéressera à un type de pavage ayant une particularité bien spéciale. Plutôt que de paver le plan, on pavera seulement une forme, mais avec des pièces semblables à la forme originale. Une telle forme sera appelée un autopavé. En anglais, ces formes sont appelées des rep-tiles et on retrouve aussi l’expression rep-tuiles en français.
Un premier exemple d’autopavé accompagne le titre du texte. C’est un pentagone qui peut être découpé en 4 pentagones semblables. On dira que cette forme est un 4-autopavé.
Comme chaque pièce peut être elle aussi découpée en 4 pièces, cette forme est aussi un 16-autopavé, un 64-autopavé…
Ces configurations ne sont pas uniques, voici une seconde manière de faire un 16-autopavé avec la même figure.
On va maintenant présenter une suite de résultats pour trouver d’autres autopavés.
Proposition 1
Tout parallélogramme est un \(k^2\)-autopavé \((k \geq 2)\).
Démonstration :
On divise chaque côté en \(k\) segments. On trace des segments parallèles aux côtés pour relier les divisions des côtés. Tous les \(k^2\) petits parallélogrammes ainsi formés sont de mêmes dimensions et sont semblables, dans un rapport de similitude de \((1/k)\) avec le parallélogramme initial.
Proposition 2
Tout parallélogramme dont le rapport des côtés est \(\sqrt{n}\) est un \(n\)-autopavé, où \(n\) est un naturel plus grand que 1.
Démonstration :
On divise le parallélogramme en \(n\) parallélogrammes par des traits parallèles aux petits côtés. Les angles des petits parallélogrammes sont les mêmes que dans le parallélogramme original et le rapport des côtés est
\[\displaystyle \frac{1}{\sqrt{n}/n} = \sqrt{n}.\]
Chacun des petits parallélogrammes est donc semblable au grand.
Proposition 3
Tout triangle est un \(k^2\)-autopavé \((k \geq 2)\).
Démonstration :
On divise chaque côté en k segments. On trace des segments parallèles aux côtés pour relier les divisions des côtés. Tous les \(k^2\) petits triangles ainsi formés sont de mêmes dimensions et sont semblables (avec un rapport de similitude de 1/k avec le triangle initial).
Proposition 4
Soit un triangle rectangle ABC, avec l’angle droit en C, ayant des mesures de côtés : \(a, b, \sqrt{a^2+b^2}\) avec \(a\) et \(b\) des naturels non nuls. Alors ce triangle est un \((a^2 + b^2)\)-autopavé.
Démonstration :
Du point C, abaissons la hauteur CH, on obtient deux triangles rectangles semblables au premier ayant pour rapport de similitude
\[\displaystyle \frac{a}{\sqrt{a^2+b^2}} \text{ et } \frac {b}{\sqrt{a^2+b^2}}.\]
Par la proposition précédente, le triangle ACH est un b2-autopavé et le triangle CBH est un a2-autopavé. Le rapport de similitude entre un petit triangle de ACH avec ABC est le produit des deux rapports, soit
\[\displaystyle \frac{a}{\sqrt{a^2+b^2}} \times \frac{1}{a} = \frac {1}{\sqrt{a^2+b^2}}.\]
De même, le rapport de similitude d’un petit triangle CBH et de ABC est
\[\displaystyle \frac{b}{\sqrt{a^2+b^2}} \times \frac{1}{b} = \frac {1}{\sqrt{a^2+b^2}}.\]
Tous les petits triangles sont donc semblables au grand, et il y en a2 + b2.
Remarque
Par la proposition 2, on sait qu’un parallélogramme dont le rapport des côtés est \(\sqrt{2}\) est un 2-autopavé. Par la proposition 4, on sait que le triangle rectangle isocèle est aussi un 2-autopavé.
Existe-t-il d’autres 2-autopavés ? En 1999, il fut démontré qu’il existe seulement quatre autres 2-autopavés et que ce sont des fractales.1 Ces fractales sont des formes qui ont une infinité de côtés, elles sont données en bas de page.
Si on revient au polygone avec un nombre fini de côtés, on connaît plusieurs méthodes pour construire des autopavés, particulièrement avec les polyminos. Un polymino est une figure obtenue à partir de carrés de même grandeur. Voici un résultat pour trouver des polyminos autopavés.
Proposition 5
S’il est possible de faire un rectangle avec une forme de polymino, alors ce polymino est un autopavé.
Démonstration :
Soit un polymino de n carrés dont on peut faire un rectangle de \(a \times b\) carrés avec \(k\) pièces \(a,b,k \in \mathbb{N}^*\). Soit c le plus petit commun multiple de a et b. Alors en juxtaposant c/a rectangles sur c/b lignes, on obtient un carré de \(c \times c\). En juxtaposant n grands carrés ainsi formés, on peut reformer le polymino original. Donc ce polymino est un \((nkc^2/ab)\)-autopavé.
Tous les polyminos ont un nombre pair de côtés. En effet, si on place le polymino pour avoir un côté horizontal, alors tous les côtés sont horizontaux ou verticaux. Comme tous les angle sont de 90° ou 270°, il y a autant de côtés horizontaux que de côtés verticaux, donc tout polymino a un nombre pair de côtés. Il y a donc plusieurs polygones avec un nombre pair de côtés qui sont des autopavés.
Si on s’intéresse aux autopavés qui sont des polygones avec un nombre impair de côtés, on sait que tous les triangles sont des autopavés et le premier exemple de l’article est un pentagone. Ce pentagone, qu’on appelle le sphinx, est le seul pentagone connu qui est un autopavé (il en existe d’autres si on permet que les côtés se croisent). De plus, on ne connaît aucun polygone simple avec un nombre de côtés impair et plus grand que 5 qui soit un autopavé. La recherche continue.
- Ngai, Sirvent, Veerman, Wang, On 2-Reptiles in the Plane, 1999. ↩