La professeure de mathématiques de Léo a posé un problème qu’il peine à résoudre. Il demande conseil à Zia.
Léo
J’ai un problème à résoudre et je ne vois pas comment procéder
Zia
C’est quoi ton problème ?
Léo
On inscrit des cercles de même rayon dans un triangle équilatéral. S’il y a n cercles sur un côté de longueur a du triangle, déterminer l’aire totale des cercles inscrits.
Zia
En fait, elle te pose deux problèmes : combien de cercles y-a-t-il dans le triangle, s’il y en a n sur un côté de longueur a, et quelle est l’aire de ces cercles ?
Léo
Si tu veux.
Zia
Le nombre de cercles dans le triangle est le nombre triangulaire de rang n.
Léo
C’est quoi le « nombre triangulaire de rang n » ?
Zia
L’appellation « nombre triangulaire » remonte à l’école de Pythagore, où on représentait les nombres par des points pour obtenir des formes géométriques.
Léo
Je vois. Et comment fais-tu pour trouver le nombre triangulaire de rang n ?
Zia
Pythagore avait remarqué que les points des nombres triangulaires pouvaient se disposer pour former des triangles rectangles.
Léo
Et comment procédait-il pour la somme ?
Zia
L’astuce consiste à supposer que le nombre de points sur les côtés est n, puis à dupliquer la figure en lui faisant effectuer une rotation de 180° et en la positionnant de façon à obtenir un rectangle.
Le nombre de points sur un des côtés est n et sur l’autre côté, il est maintenant de \(n +1\) points. Dans le rectangle, il y a donc au total \(n(n + 1)\) points. En divisant par 2, il obtient le nombre triangulaire de rang n, soit
\[T_n= \displaystyle \frac{n(n+1)}{2}.\]
Léo
C’est un beau raisonnement.
Zia
De nos jours, le problème se pose de la façon suivante.
Calculer la somme des n premiers nombres
\[1 + 2 + 3 +4 +\ldots + (n – 2) + (n –1) +n.\]
On écrit la somme dans l’ordre inverse pour obtenir
\[n + (n – 1) + (n – 2) + \ldots + 4 + 3 + 2 + 1\]
et, on additionne en colonne ce qui donne
\[\begin{array}{c}1 + 2 + 3 +4 +\ldots + (n – 2) + (n –1) + n \\ + n + (n – 1) + (n – 2) + \ldots + 4 + 3 + 2 + 1\end{array}\]
Dans chaque colonne, on obtient la même somme de \(n + 1\). Puisqu’il y a n termes, cela fait un total de \(n(n + 1)\) et en divisant par 2, on a le nombre triangulaire de rang n.1
Léo
Oui, je me souviens qu’on ait vu cette démonstration en classe. Pythagore avait une démarche plus visuelle.
Zia
Ton premier problème est résolu. Il reste à calculer l’aire de ces cercles.
Léo
En fait, je savais comment trouver le nombre de cercles dans le triangle, mais je ne savais pas que c’était un « nombre triangulaire ». Mon problème est de trouver l’aire des cercles.
Zia
Je vois. Probablement qu’il faut exprimer le rayon en fonction du côté a du triangle. Essayons de décomposer la longueur a d’un côté en diverses longueurs pour essayer d’y voir un peu plus clair.
Qu’est-ce qu’on a en plus ?
Léo
En traçant les diamètres horizontaux, on obtient un segment de droite dont la longueur est n fois le diamètre.
Zia
On peut tracer le segment de droite reliant les sommets de la base du triangle au centre du cercle le plus près.
Léo
Super ! En soustrayant deux fois le rayon, et en additionnant deux fois le segment tangent aux extrémités, on obtient une égalité :
\[a = nd – 2r + 2S_{\tan}\].
Puisque \(d = 2r\), cela donne
\[a = 2nr – 2r + 2S_{\tan}\].
Zia
Oui, et en calculant la longueur des segments tangents, on obtient la relation entre a et r.
Léo
Le segment tangent est le côté adjacent à un angle de 30° et le côté opposé à cet angle est r. L’hypoténuse est donc 2r (voir encadré) et
\[(S_{\tan})^2 = (2r)^2 – r^2 = 4r^2 – r^2 = 3r^2.\]
La longueur d’un segment tangent est
\[S_{\tan} = r \sqrt{3},\]
d’où
\[\begin{array}{l c r} a &=& 2nr-2r+2r \sqrt{3} \\ &=&2r(n-1+r \sqrt{3}). \end{array}\]
On peut donc isoler r et on obtient
\[\displaystyle r = \frac{a}{2(n-1+r \sqrt{3})}.\]
La surface d’un cercle est donc
\[\displaystyle \pi r^2+ \frac{\pi a^2}{4(n-1+r \sqrt{3})^2}.\]
Zia
Voilà, il reste simplement à multiplier le nombre de cercles par la surface d’un cercle et l’aire occupée par les cercles est
\[A = \displaystyle \frac{n(n+1)}{2} \times \frac{\pi a^2}{4(n-1+r \sqrt{3})^2}.\]
Léo
Bonne collaboration ! Merci !
- Ce raisonnement aurait été tenu par Carl Friedrich Gauss alors qu’il était à l’élémentaire. Pour s’aménager du temps de correction, son professeur avait demandé à la classe de sommer tous les nombres de 1 à 100. Gauss a aussitôt remis sa solution. Pour la source de cette anecdote, voir « Glanures mathématico-littéraires (V) » Bernard R. Hodgson dans Accromath vol. 18, été-automne 2023 p.34. ↩