On dispose de trois dés entièrement blancs ayant chacun 6 faces et de 18 gommettes autocollantes à mettre sur les 18 faces des trois dés. Ces gommettes portent les numéros 1, 2, 3, …, 18.
a) Le joueur A place les gommettes comme il veut sur les 18 faces (une gommette par face).
b) Le joueur B choisit alors un des trois dés.
c) Le joueur A choisit un des deux dés restants.
d) Les joueurs A et B lancent chacun leur dé. Celui qui obtient le plus gagne.
Imaginons, par exemple, que le joueur A compose un dé avec les gommettes 1, 2, 3, 4, 5, 6, un autre avec les gommettes 7, 8, 9, 10, 11, 12 et le troisième avec les gommettes 13, 14, 15, 16, 17, 18. Le joueur B aura alors la certitude de gagner : il choisira le troisième dé – qui est le plus fort – et alors, quel que soit le choix du joueur A dans la phase (c) du jeu, le joueur B sera certain de gagner dans la phase finale (d). Choisir en premier un des trois dés semble un avantage décisif.
Tout ne sera pas toujours aussi net, mais on est tenté de penser qu’en choisissant le dé le plus fort, le joueur B a toujours un jeu favorable, c’est-à-dire qui lui donne une probabilité de gagner au moins égale à 1/2 dans la phase finale. Cela est faux : le joueur A qui colle les gommettes sur les faces des trois dés peut le faire d’une telle façon que la phase finale lui est toujours favorable, c’est-à-dire lui donne une probabilité strictement supérieure à 1/2 de gagner. Comment doit procéder le joueur A et qu’est-ce qui explique que le joueur A puisse disposer d’un dé plus fort que le dé choisi par B, qui pourtant a choisi le dé qu’il désirait en premier ?
Solution
Une façon (mais ce n’est pas la seule) de gagner pour le joueur A est la suivante. Il colle les gommettes pour obtenir :
Dé 1 : 18, 10, 9, 8, 7, 5.
Dé 2 : 17, 16, 15, 4, 3, 2.
Dé 3 : 14, 13, 12, 11, 6, 1.
Le tableau ci-contre montre que le dé 1 contre le dé 2 est gagnant dans 21 cas sur 36. De même, le dé 2 contre le dé 3, et le dé 3 contre le dé 1.
Même si cela est très étonnant, on a une situation cyclique : le dé 1 bat le dé 2, qui bat le dé 3 qui bat le dé 1. On parle de non-transitivité : le fait que \(x\) gagne contre \(y\) et que \(y\) gagne contre \(z\) n’implique pas que \(x\) gagne contre \(z\).
Le paradoxe est alors expliqué : quel que soit le choix opéré par B dans la phase (b) du jeu, le joueur A peut répliquer en choisissant un dé plus fort :
– si B choisit le dé 1, A choisit le dé 3 ;
– si B choisit le dé 2, A choisit le dé 1 ;
– si B choisit le dé 3, A choisit le dé 2.
Le joueur A, bien qu’il choisisse un dé après le joueur B, gagnera donc avec une probabilité de 21/36, c’est-à-dire avec une probabilité de 58,3 %.
Il a été démontré que le joueur A ne pouvait pas obtenir mieux que 21/36.
Chose étonnante encore, si les trois dés sont lancés simultanément (il y a 216 résultats équiprobables possibles), on trouve que le dé 2 a une probabilité de gagner supérieure aux
deux autres : 90/216 pour le dé 2, 63/216 pour le dé 1, et 63/216 pour le dé 3. L’équivalence des trois dés, quand ils sont opposés deux à deux, n’est plus vérifiée quand ils jouent tous les trois ensemble !