Selon ce que veut l’adage, « Un mathématicien qui n’est pas un peu poète ne sera jamais un mathématicien complet. » Jolie image, certes! Mais qu’est-ce à dire au juste ? Et d’où cet énoncé provient-il ?
Un fougueux étudiant du bac en maths, tout frais émoulu d’un premier cours d’analyse, s’élancera peut-être candidement à la recherche de suites de Cauchy non convergentes suivant une certaine métrique… Mais sans doute convient-il de considérer cette affirmation sous d’autres points de vue.
En remontant aux sources
Diverses questions se posent naturellement concernant la provenance d’un tel aphorisme et le contexte dans lequel il a été émis : à quand remonte-t-il? à qui le doit-on et que cherche à exprimer son auteur ? peut-on l’associer à un texte original précis ? Pour ma part, cet adage constitue en quelque sorte une fort lointaine glanure mathématico-littéraire, qui me renvoie à l’époque de mes études en mathématiques : c’est en effet en feuilletant un dictionnaire de proverbes1 que je l’ai un jour rencontré.
Il se retrouve dans cet ouvrage sous la rubrique « Mathématiques », en compagnie de quelques autres apophtegmes à propos de la « reine des sciences » (voir encadré), notamment la célébrissime mise en garde quant au caractère exigeant de l’apprentissage des mathématiques :
« Il n’y a pas de route royale vers la géométrie. »
À propos de la « reine des sciences »
Cette célèbre expression est invariablement attribuée au grand mathématicien Carl Friedrich
Gauss (1777-1855). Mais pour ma part, je ne connais pas de texte de la main de Gauss lui-même où elle se rencontrerait.
Comme c’est le cas pour une partie du folklore entourant le « prince des mathématiciens » (autre locution consacrée !), l’expression « reine des sciences » apparaît dans une biographie de Gauss publiée un an après sa mort par le géologue Wolfgang Sartorius von Waltershausen, professeur tout comme Gauss à l’Université de Göttingen. Celui-ci écrit en effet : « Pour reprendre ses propres mots, Gauss considérait les mathématiques comme la reine des sciences et l’arithmétique comme la reine des mathématiques. »2
Ce même texte relate entre autres le délicieux épisode de Gauss, jeune écolier de 7 ans, trouvant d’emblée la somme d’une progression arithmétique qu’avait donnée en exercice son
instituteur — une anecdote, aux dires de Sartorius, qu’un Gauss « vieillissant se plaisait à nous raconter fréquemment et avec grande vivacité. »3 (À propos de cette fameuse « somme à la Gauss », voir la Section problèmes.)
À noter qu’une version courante de cette prouesse arithmétique de Gauss porte sur la somme des entiers de 1 à 100 — cette information numérique ne figurant cependant pas dans le texte de Sartorius.
« Il n’y a pas de route royale vers la géométrie. »
Si l’usage a retenu le nom d’Euclide en lien avec cet énoncé proverbial, c’est en raison d’un passage dans les Commentaires de Proclus sur les Éléments d’Euclide, dans le cadre d’un prologue portant sur les origines de la géométrie.
Afin de situer Euclide sur l’échelle du temps, Proclus y indique qu’il a vécu à l’époque du premier Ptolémée, Ptolémée I Sôter, général macédonien d’Alexandre le Grand et souverain de l’Égypte de 305 à 283 avant notre ère. En appui à cette affirmation, Proclus rappelle d’abord qu’Archimède, qui a vécu après Ptolémée I, mentionne Euclide dans ses travaux. Et pour mieux étayer son argument, il indique même qu’Euclide et Ptolémée se sont rencontrés. En effet, écrit-il, « on raconte qu’un jour »4 Ptolémée demanda à Euclide s’il n’y avait pas, pour l’apprentissage de la géométrie, un chemin plus court que celui présenté dans ses Éléments. C’est alors, écrit Proclus, qu’Euclide répondit alors au roi en lui servant l’adage qu’on lui attribue.
Revenant à ses soucis chronologiques, Proclus conclut en disant qu’Euclide « est donc plus jeune que les disciples de Platon, mais plus vieux qu’Ératosthène et Archimède. Ceux-ci sont en effet contemporains, comme le dit quelque part Ératosthène. »
(Voir, dans l’encadré à la toute fin du présent texte, un extrait de Commentaires de Proclus sur la proposition I.47 d’Euclide : le théorème de l’hypoténuse, alias théorème de Pythagore.)
Le même dictionnaire attribue cette dernière phrase à Euclide (env. 300 avant notre ère), prenant à l’appui comme source le philosophe néoplatonicien Proclus de Lycie (412-485). Et de fait, on peut bel et bien la dénicher dans les écrits de Proclus qui nous sont accessibles (voir encadré).
Il convient sans doute d’insister sur le fait qu’il ne s’agit pas ici d’un texte de la propre main d’Euclide (il en est de même, chez Gauss, de la provenance de l’expression « reine des sciences »). De plus, Proclus écrit quelque huit siècles après Euclide et rapporte une sorte d’héritage oral. On a bel et bien une source, mais passablement lointaine, il faut le dire, et donc incertaine quant à l’authenticité du texte rapporté.
Weierstrass et Kovalevskaya
L’adage cité en amorce, où se conjuguent le fait d’être mathématicien et celui d’être poète, est attribué dans mon dico Larousse à l’un des pères de l’analyse moderne, Karl Weierstrass (1815-1897),5 la source indiquée étant son traité Abhandlungen aus der Functionenlehre (1886). J’ai pu un jour avoir accès à ce livre, mais c’est en vain que je l’y ai cherché.
Grâce à Internet et aux innombrables ressources qu’il renferme (notamment un foisonnement de textes de jadis et naguère), il peut aujourd’hui s’avérer relativement facile de retracer une telle information jusqu’à son origine — à tout le moins dans certains cas. C’est ainsi que j’ai éventuellement su que l’aphorisme ouvrant ces glanures provient d’une lettre de Weierstrass à Sofia Kovalevskaya (1850-1891) publiée dans les Actes du deuxième Congrès international des mathématiciens tenu à Paris en 1900. Le mathématicien suédois Gösta Mittag-Leffler (1846-1927), une des figures importantes en mathématiques au tournant du 20e siècle, y donnait en effet l’une des cinq conférences principales, son sujet étant la correspondance entre Weierstrass et « sa chère disciple »6 et étudiante Kovalevskaya.
Au tout début de son texte, Mittag-Leffler rappelle certaines des circonstances ayant mené Mittag-Leffler dans son introduction. Il s’agissait évidemment de leçons particulières, car il était alors impossible pour l’étudiante, en tant que femme, d’assister aux cours de Weierstrass à l’Université de Berlin. Durant les études de Kovalevskaya menant à l’obtention de son doctorat en 1874, et au cours des années qui suivirent, elle et Weierstrass échangèrent une abondante série de lettres.
Vers le début des années 1880, Mittag-Leffler réussit à faire engager Kovalevskaya à l’Université de Stockholm alors nouvellement créée, faisant ainsi de la jeune Russe la première mathématicienne nommée à un poste de professeure dans une université européenne. Quelques années plus tard, après le décès de Kovaleskaya, Mittag-Leffler entra en possession d’une quarantaine de lettres qu’elle avait reçues de Weierstrass et sur lesquelles il s’appuya pour sa conférence lors du Congrès international des mathématiciens de 19007.
Le mathématicien poète dans les mots de Weierstrass
Dans une lettre d’août 1883 à Sofia Kovalevskaya, Weierstrass se penche sur « diverses catégories de personnes »,8 parmi une dizaine de mathématiciens de son époque (la plupart allemands), qu’il se hasarde à comparer selon certains critères. L’un d’eux, par exemple, est présenté comme très sélectif quant aux sujets auxquels il s’intéresse, alors qu’un autre, malgré son intérêt pour « tout ce qui est nouveau, (…) ne possède pas le don de s’occuper d’un travail fait par une autre personne avec le même intérêt scientifique que s’il s’agissait de ses propres recherches ».
Cette dernière remarque porte sur son collègue Leopold Kronecker (1823-1891), à propos duquel Weierstrass déplore de surcroît qu’il a « une imperfection qu’on rencontre chez beaucoup d’hommes extrêmement intelligents, (…) il n’a pas assez de fantaisie (je devrais plutôt dire d’intuition). » Et c’est alors que naît sous sa plume sa phrase mémorable :
« Il est certain qu’un mathématicien qui n’est pas un peu poète ne sera jamais un mathématicien complet. »
Il faut souligner qu’en formulant ses commentaires, Weierstrass s’appuie explicitement sur les origines juives de Kronecker. De tels propos antisémites, infondés mais hélas assez répandus à son époque, feraient aujourd’hui l’objet de dénonciations vigoureuses, et pour cause. On ne connaît que trop les atrocités auxquelles le laisser-faire, souvent assimilé à une approbation tacite, a pu conduire dans la première moitié du 20e siècle. Les remarques de Weierstrass, à cet égard, ont difficilement pour nous le caractère anodin qu’il leur prêtait peut-être lui-même.9
L’histoire n’a charitablement retenu de l’aphorisme de Weierstrass que l’importance qu’il accordait, avec justesse, à la créativité et à l’audace de la pensée comme vecteurs du succès en recherche mathématique. En effet, son emploi du terme poète dans un tel contexte est sans doute en lien avec les mots fantaisie et intuition qu’il utilise juste avant dans sa lettre à Kovalesvkaya. Contrairement à l’image éculée d’un savant (à l’air possiblement un peu sévère) exécutant minutieusement de laborieux calculs, ce n’est pas d’une telle manière que les mathématiques avancent et se développent. C’est plutôt grâce à des intuitions fortes — voire à certaines idées fantaisistes ou même un peu folles — permettant de saisir des relations nouvelles et inspirantes entre divers cadres et concepts mathématiques, et d’avoir ainsi accès à des territoires inexplorés.
Une telle vision du « processus mathématique » a fait depuis longtemps l’objet de réflexions parmi les personnes s’intéressant à la créativité dans le domaine mathématique, notamment au tournant du 20e siècle. Elle se retrouve par exemple chez le mathématicien Henri Poincaré (1854-1912) qui, dans une conférence lors du même Congrès des mathématiciens tenu en 1900, affirmait :
« La logique et l’intuition ont chacune leur rôle nécessaire [en mathématiques]. Toutes deux sont indispensables. La logique qui peut seule donner la certitude est l’instrument de la démonstration : l’intuition est l’instrument de l’invention. »
Et cette même vision a été remarquablement bien capturée, quelques années plus tard, dans le célèbre adage du mathématicien Jacques Hadamard (1865-1963) :
« La rigueur n’a jamais eu pour objet que de sanctionner et de légitimer les conquêtes de l’intuition. »
(Voir la section Pour en savoir plus !)
Variantes stylistiques
Une citation traduite d’une autre langue se retrouve souvent sous diverses variations. Ainsi la version de l’adage weierstrassien citée en amorce de ce texte est celle donnée par Mittag-Leffler lui-même à partir du texte allemand de Weierstrass. Dans le dictionnaire Larousse de la note 1, on lit plutôt : « Un mathématicien qui n’est pas aussi quelque peu poète ne sera jamais un mathématicien complet. » Changements mineurs, bien sûr, mais cela donne en français des textes qui ne sont pas complètement identiques.
Le même commentaire s’appliquerait aux mots mis dans la bouche d’Euclide par Proclus. J’ai utilisé en début de texte la formulation figurant dans le dico Larousse de la note 1. Celle utilisée par Vitrac (voir la note 4) est : « Il n’y a pas, vers la Géométrie, de voie directe réservée aux rois. » Ver Eecke (voir la section Pour en savoir plus !) écrit plutôt (p. 61) : « [Euclide] répondit qu’il n’existait pas une voie royale en géométrie. »
Kovalevskaya, héroïne d’une nouvelle
L’écrivaine canadienne Alice Munro est la lauréate du prix Nobel de littérature 2013. Dans le communiqué de presse annonçant ce prix, l’Académie suédoise la présente comme « la souveraine de l’art de la nouvelle contemporaine » (voir la section Pour en savoir plus !).
Quelques années avant de recevoir le Nobel, Munro a publié une nouvelle intitulée « Trop de bonheur » (parue dans un livre portant le même titre), inspirée de la vie de Sofia Kovalevskaya. Elle explique son intérêt pour la mathématicienne russe en ces termes :
« J’ai découvert Sofia Kovalevskaïa un jour que je cherchais autre chose dans mon Encyclopædia Britannica. La combinaison d’une romancière et d’une mathématicienne éveilla aussitôt mon intérêt et je me mis à lire tout ce que je pouvais trouver sur elle. » 10
(Kovalevskaya a en effet à son actif quelques œuvres littéraires, dont un roman en partie autobiographique.) Trait typique de la nouvelle en tant que genre littéraire, le récit de Munro ne propose pas une présentation systématique de la vie de Kovalevskaya et de ses réalisations, mais plutôt une série de tableaux.
L’autrice y reprend l’analogie du poète, mais en la transposant dans des réflexions qu’elle prête à Weierstrass dans un contexte tout à fait différent du cadre épistolaire dont parle Mittag-Leffler : les toutes premières rencontres entre Kovalevskaya et celui qu’elle en viendra à appeler « mein lieber professeur ».11 Lors de la première visite chez lui de sa future étudiante, tout juste âgée de 20 ans, Weierstrass, raconte Munro, lui donne une série de problèmes à résoudre.12 La narration qu’elle fait de cet épisode se retrouve dans l’encadré Le mathématicien poète sous la plume d’Alice Munro.
On aura compris que par souci narratif, Munro prend certaines libertés avec l’histoire, notamment en rattachant le commentaire de Weierstrass sur le lien mathématicien / poète à une rencontre tenue à l’automne 1870, au tout début de la relation entre le maître berlinois et son étudiante, plutôt qu’à la lettre d’août 1883 citée par Mittag-Leffler. De plus, la mention que fait Munro du mot poète dans les réflexions de Weierstrass est ici épurée de toute connotation antisémite, l’autrice faisant plutôt ressortir le rôle de l’intuition dans le travail du mathématicien et le moment magique de l’illumination, tel un éclair dans le ciel. Elle offre ainsi dans « Trop de bonheur » un récit inspirant, apte à faire sentir par un large public les états d’âme de Weierstrass, tant à l’égard des mathématiques que de son élève.
Le mathématicien poète sous la plume d’Alice Munro
« [Weierstrass] se souvint de la méthode, ou du stratagème, dont il avait déjà fait usage une ou deux fois, afin de décourager un étudiant indésirable.
« Ce que je puis faire dans votre cas, dit-il, c’est vous proposer une série de problèmes que je vous demanderais de résoudre et de me rapporter dans une semaine. Si je juge leur résolution satisfaisante, nous nous reparlerons. »
Une semaine plus tard, il avait oublié jusqu’à son existence. Il s’était évidemment attendu à ne jamais la revoir. Quand elle entra dans son bureau, il ne la reconnut pas. (…) Mais quand elle eut tiré les devoirs de son sac et les eut étalés devant lui sur le bureau, il se rappela, poussa un soupir et chaussa ses lunettes.
Quelle ne fut pas sa surprise — il le lui confia par la suite — de constater que chacun des problèmes avait été résolu, et parfois d’une façon tout à fait originale. Cependant ses soupçons avaient persisté, il croyait à présent qu’il s’agissait sans doute du travail d’un autre, un frère peut-être, ou un amant qui se cachait pour des raisons politiques.
« Asseyez-vous, dit-il. Et maintenant, expliquez-moi chacune de ces solutions, étape par étape. »
Elle se mit à parler, penchée en avant, et le bonnet lui retomba sur les yeux, elle l’arracha pour le poser par terre. Ses boucles parurent, ses yeux brillants, sa jeunesse, et l’enthousiasme dont elle frissonnait.
« Oui, disait-il. Oui. Oui. Oui. » Sa voix était empreinte de considération, il cachait de son mieux son étonnement, surtout devant celles des solutions dont la méthode pleine de brio différait de la sienne.
Il était frappé et déconcerté par bien des choses, chez elle. Elle était si frêle, si jeune, si enthousiaste. Il avait le sentiment de devoir l’apaiser, l’encadrer avec soin, lui permettre d’apprendre à gérer les feux d’artifice de son esprit.
Toute sa vie — une expression qui ne lui était pas d’un usage facile, il dut l’avouer, s’étant toujours méfié des excès d’enthousiasme — toute sa vie il avait attendu de voir entrer un tel étudiant dans son bureau. Un étudiant qui le remettrait complètement en question, qui ne serait pas seulement capable de suivre les efforts de son esprit à lui, Weierstrass, mais peut-être de les dépasser. Il convenait de faire très attention avant de dire ce qu’il croyait réellement — qu’il devait entrer quelque chose comme de l’intuition dans l’esprit d’un mathématicien de premier plan, une espèce d’éclair qui illuminerait ce qui s’y trouvait de tout temps. Rigoureux, méticuleux, certes il fallait l’être, mais cela était vrai aussi de tout grand poète.
Quand il finit par trouver la force de dire tout cela à Sofia, il ajouta que certains se rebifferaient à la seule mention du mot « poète » à propos de la science mathématique. Et d’autres, poursuivit-il, qui ne demanderaient qu’à bondir sur cette idée, afin de défendre la confusion et le relâchement de leur pensée. »13
Poésie mathématique en action
J’aimerais, pour conclure, évoquer sommairement quelques rencontres concrètes entre mathématiques et poésie.
Certains « poèmes mathématiques » sont fort célèbres, tel par exemple le fameux alexandrin
Que j’aime à faire apprendre un nombre utile aux sages !
où le nombre de lettres des mots correspond aux chiffres consécutifs de l’expression décimale de \(\pi,\) ou encore le « poème scolaire »14
La circonférence est fière
D’être égale à \(2\pi R\),
Et le cercle est tout joyeux
D’être égal à \(\pi R^2\).
récité théâtralement par un enseignant de mathématiques de l’écrivain Marcel Pagnol.15 Mais ce n’est sans doute pas à ce type de cadre « poétique » que songeait Weierstrass.
Voici une perle peut-être davantage weierstrassienne, dénichée dans un livre au titre quelque peu coquin, Rationnel mon \(\mathbb{Q}\). Prenant comme ingrédient initial la preuve classique de l’irrationnalité de \(\sqrt{2}\), les autrices en proposent soixante-cinq variations dans l’esprit oulipien des Exercices de style de Raymond Queneau16 et inspirées tant des mathématiques en soi que de la littérature, du théâtre ou même du cinéma. On y trouve bien sûr quelques poèmes chantant dans divers registres la gloire de la diagonale du carré. Et parmi eux, un superbe haïku,17 se distinguant tant par son minimalisme, comme le requiert ce genre poétique, que par sa finesse et sa luminosité. Un bijou de poésie mathématique !
L’irrationnel \(\sqrt{2}\) en version haïku18
diagonale inattendue
un nombre nouveau
Proclus à propos du théorème de Pythagore
« Il y a deux types de triangles rectangles : les isocèles et les scalènes. Dans les isocèles il ne nous sera pas possible de trouver des nombres coïncidant avec les côtés. Car il n’y a pas de nombre carré double d’un nombre carré. (…) Mais dans les triangles scalènes il nous est montré très clairement qu’il est possible de prendre le carré sur le côté sous-tendant l’angle droit égal à ceux sur les côtés de l’angle droit. (…)
Certaines méthodes nous ont aussi été transmises pour trouver de tels triangles dont l’une est attribuée à Platon, l’autre à Pythagore. La méthode pythagoricienne part des nombres impairs; elle pose en effet l’impair donné comme le plus petit côté de l’angle droit et prenant son carré et retranchant une unité de celui-ci, elle pose la moitié du reste comme le plus grand côté de l’angle droit. Et en ajoutant l’unité restante à celui-ci, elle produit l’hypoténuse. (…) La méthode platonicienne procède à partir des nombres pairs. En effet prenant le nombre pair donné, elle le pose comme l’un des côtés de l’angle droit, le divise en deux parties égales et carre la moitié; en ajoutant une unité à ce carré elle produit l’hypoténuse, en retranchant une unité à ce carré elle produit l’autre côté de l’angle droit. »19
(Ces propos de Proclus sont repris à la Section problèmes.)
Pour en s\(\alpha\)voir plus !
- Pour le texte complet de Proclus, voir
Paul Ver Eecke, Proclus de Lycie : Les Commentaires sur le premier livre des Éléments d’Euclide. Desclée de Brouwer, 1948. - Le texte Gauss zum Gedächtnis est accessible à l’url http://books.google.de/books?id=h_Q5AAAAcAAJ.
Une traduction en anglais, Carl Friedrich Gauss : A Memorial. (1966), est disponible à l’url
https://archive.org/details/gauss00waltgoog. - Les Actes du deuxième Congrès international des mathématiciens (Paris, 1900) sont accessibles à l’url
https://www.mathunion.org/icm/proceedings.
Le texte de Gösta Mittag-Leffler (pp. 131-153) est en français, avec citation des lettres de Karl Weierstrass en allemand et traduction en français. Mittag-Leffler y indique (p. 135) que les lettres de Sofia Kovalevskaya à Weierstrass ont été brûlées par celui-ci après la mort de son étudiante. - Mittag-Leffler a publié une version enrichie de son texte du Congrès des mathématiciens de 1900 :
Gösta Mittag-Leffler, « Weierstrass et Sonja Kowalewski. » Acta Mathematica 39 (1923) pp. 133-198. - La citation d’Henri Poincaré sur intuition vs rigueur provient de son texte « Du rôle de l’intuition et de la logique en mathématiques », paru dans les mêmes Actes du Congrès de 1900 (voir p. 126). Ce texte forme le premier chapitre de son livre La valeur de la science (Flammarion, 1939 — voir p. 29), accessible sur https://gallica.bnf.fr/.
La citation de Jacques Hadamard est tirée d’une lettre à Émile Borel, que ce dernier reproduit (p. 73) dans son article « L’infini mathématique et la réalité. » La Revue du mois 18 (No 103) (1914) pp. 71-84. - Le communiqué de presse émis lors de l’annonce du prix Nobel de littérature décerné en 2013 à Alice Munro est accessible à l’url https://www.nobelprize.org/prizes/literature/2013/8138-alice-munroe/ (sic).
- Maurice Maloux, Dictionnaire des proverbes, sentences et maximes, Larousse, 1960, p. 334. ↩
- Wolfgang Sartorius von Waltershausen, Gauss zum Gedächtniss (À la mémoire de Gauss). Leipzig, S. Hirzel Verlag, 1856, p. 79. (Traduction personnelle.) ↩
- Ibid., p. 12. (Traduction personnelle.) ↩
- Texte tiré de Bernard Vitrac, Euclide d’Alexandrie, Les Éléments, volume 1. PUF, 1990, p. 91-92. ↩
- Pour en savoir plus sur Weierstrass, notamment sur sa carrière d’une quinzaine d’années comme enseignant à l’école secondaire et sur son apport à l’analyse mathématique, voir André Ross, « Karl Weierstrass. » Accromath, vol. 10, été-automne 2015, pp. 26-29. ↩
- Expression utilisée (en français) par Mittag-Leffler dans la Préface (p. IV) de la revue Acta Mathematica 39 (1923). ↩
- Gösta Mittag-Leffler, « Une page de la vie de Weierstrass. » In : E. Duporcq (éd.), Compte rendu du deuxième Congrès international des mathématiciens (Paris, 1900). Gauthier-Villars, 1902, pp. 131-153. ↩
- Les citations textuelles de la lettre de Weierstrass (entre guillemets) sont tirées de l’article de Mittag-Leffler (note 7), pp. 148-149. ↩
- À ce sujet, voir aussi Michèle Audin, Souvenirs sur Sofia Kovalevskaya. Calvage & Mounet, 2008, pp. 68-70. ↩
- Alice Munro, Trop de bonheur. Éditions de l’Olivier, 2013, p. 317. (La version originale anglaise, Too Much Happiness, a été publiée en 2009.) ↩
- Ibid., p. 293. ↩
- Cela semble un fait avéré. Ann Hibner Koblitz, biographe de Kovalevskaya, écrit à propos de cette première rencontre : « He gave Sofia a series of problems and told her to come back when/if she could solve them. » (Voir A Convergence of Lives. Sofia Kovalevskaia: Scientist, Writer, Revolutionary. Birkhäuser, 1983, p. 99.) ↩
- Alice Munro, Trop de bonheur, pp. 284-285. ↩
- Marie-France Dallaire et Bernard R. Hodgson, « Regards archimédiens sur le cercle : la quête du fameux 22/7. ». Accromath, vol. 7, été-automne 2012, p. 29. ↩
- Bernard R. Hodgson, « Glanures mathématico-littéraires (I). » Accromath, vol. 11, hiver-printemps 2016, p. 29. ↩
- Voir à ce propos Bernard R. Hodgson, « Glanures mathématico-littéraires (III). » Accromath, vol. 12, hiver-printemps 2017, pp. 28-29. ↩
- Selon les règles de cette forme poétique japonaise, on doit retrouver dans un haïku 17 syllabes réparties en trois vers, respectivement de 5, 7 et 5 syllabes. ↩
- Ludmila Duchêne et Agnès Leblanc, Rationnel mon \(\mathbb{Q}\). Hermann, 2010, p. 67. (Hermann est la maison d’édition où sont parus les traités du célèbre mathématicien polycéphale Nicolas Bourbaki — voir Accromath, vol. 3, hiver-printemps 2008, pp. 14-17.) ↩
- Texte tiré de Bernard Vitrac — voir la note 4 —, p.312. ↩