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Quel calcul les compagnies aériennes font-elles pour contrôler le « surbooking » ?

Par Jean-Marie De Koninck et Claude Bélisle
Thème spécial: Les mathématiques sont partout Volume 15.1 - hiver-printemps 2020

Supposons que vous lanciez un dé 5 fois. Quelle est la probabilité que la face surbooking-2apparaisse exactement deux fois? C’est ce type de calcul qu’effectuent les mathématiciens à l’emploi des compagnies aériennes pour optimiser le profit de celles-ci en vendant plus de billets qu’il n’y a de sièges dans l’avion.

La plupart des transporteurs aériens s’adonnent à la survente, aussi appelée « surbooking » ou « overbooking ». Leur prétexte est qu’en vendant davantage de billets pour un même vol, ils pourront vendre leurs billets moins chers, ce qui sera profitable pour le voyageur. Ils font le pari qu’un nombre important de passagers ne se présenteront pas au départ de leur vol. Toutes sortes de raisons expliquent ces absences: les passagers ont manqué une connexion, ils sont malades, ils ont oublié qu’ils avaient un voyage d’affaire à l’horaire, etc. Ainsi, pour éviter qu’un avion décolle avec plusieurs sièges inoccupés, la compagnie prend la chance de vendre plus de billets qu’il n’y a de sièges dans l’avion, s’exposant ainsi au risque de devoir dédommager les passagers qui se verraient alors refuser l’accès à bord. Comment une compagnie aérienne fait-elle pour profiter au maximum du « surbooking »?

Revenons aux lancers du dé. À chaque lancer, la probabilité d’obtenir la face surbooking-2est 1/6, alors que la probabilité de ne pas obtenir la face surbooking-2est 5/6. Ainsi la probabilité qu’en lançant le dé 5 fois on obtienne exactement deux fois la face surbooking-2est donnée par:

\[ \begin{pmatrix} 5 \\ 2 \end{pmatrix}\left ( \frac{1}{6} \right )^2 \left ( \frac{5}{6} \right )^3 \equiv 0,160 \, 751. \]

Il s’agit d’un cas spécial de la loi binomiale (voir l’encadré à ce sujet).

La loi binomiale

Imaginez une expérience aléatoire qui donne lieu à deux résultats possibles, le résultat A qui survient avec probabilité p et le résultat B qui survient avec probabilité \(1 – p.\) Si on répète cette expérience n fois et si Y dénote le nombre de fois que le résultat A survient, alors pour tout \(k \in \{0, 1, 2, \ldots, n\}\) on a:

\[ P [ Y = k ] = \begin{pmatrix} n \\ k \end{pmatrix} \times p^k \times (1-p)^{n-k}.\]

Cette distribution de probabilités est appelée la loi binomiale.

Pour voir comment cela s’applique au transport aérien, examinons un cas concret. Supposons que la compagnie Air Québec ait vendu 103 billets pour son vol matinal Montréal-Toronto. Comment s’y prend-on pour calculer la probabilité que, par exemple, exactement 101 passagers se présenteront à l’embarquement? Soit Y la variable aléatoire qui désigne le nombre de passagers qui se présenteront pour leur vol. Comme il est connu qu’en moyenne seulement 95% des passagers se présenteront pour leur vol, la loi binomiale nous donne:

\[ \begin{array}{r c l}P[Y =101]&=& \begin{pmatrix} 103 \\ 101 \end{pmatrix} \times (0,95)^{101} \times (0,05)^2 \\ & \equiv & 0,073 86. \end{array} \]

ce qui signifie qu’il y a environ 7 % de chances qu’exactement 101 des 103 détenteurs de billet se présenteront à l’embarquement. Supposons que l’avion ait une capacité de 100 sièges et qu’Air Québec ait vendu ces 103 billets à 200 \$ chacun pour une revenu total de 103 × 200 \$ = 20 600 \$.

Supposons de plus que chaque passager se voyant refuser l’accès à bord coûte à la compagnie 800 \$ en compensation. Écrivons G pour dénoter le gain, c’est-à-dire le revenu brut d’Air Québec. Ce gain est une variable aléatoire avec quatres valeurs possibles:

  • G = 20 600 \$ si pas plus de 100 passagers se présentent pour leur vol,
  • G = 20 600 \$ – 800 \$ = 19 800 \$ si exactement 101 passagers se présentent pour leur vol,
  • G = 20 600 \$ – (2 × 800 \$) = 19 000 \$ si exactement 102 passagers se présentent pour leur vol,
  • G = 20 600 \$ – (3 × 800 \$) = 18 200 \$ si exactement 103 passagers se présentent pour leur vol.

Ainsi, l’espérance du gain (voir l’encadré sur l’espérance) est donnée par:

E[G] = 20 600 \$ × P[G = 20 600 \$]
+ 19 800 \$ × P[G = 19 800 \$]
+19 000 \$ × P[G = 19 000 \$]
+ 18 200 \$ × P[G = 18 200 \$]
= 20 600 \$ × P[Y ≤100]
+ 19 800 \$ × P[Y = 101]
+19 000 \$ × P[Y = 102]
+ 18 200 \$ × P[Y = 103]
= 20 484,70 \$.

L’espérance d’une variable aléatoire

Si \(V\) est une variable aléatoire avec m valeurs possibles, disons les valeurs \(v_1, v_2, \ldots, v_m,\) alors son espérance, notée \(E[V],\) est définie par l’équation:

\[ E[V] = \sum_{i=1}^m v_iP[V=v_i].\]

L’espérance d’une variable aléatoire est donc la moyenne pondérée de ses valeurs possibles, avec pondération donnée par la distribution de probabilité de la variable aléatoire.

Quelle est donc la stratégie la plus profitable pour Air Québec? Combien de billets devrait-elle vendre? Nous venons de voir que si elle vend 103 billets, elle peut espérer engranger 20 484,70 \$. Devrait-elle risquer vendre davantage de billets, ou devrait-elle en vendre moins ? Examinons différents scénarios, incluant celui à 103 billets.

surbookingDans le tableau ci-contre, g(n) dénote l’espérance du gain dans le cas où la compagnie vend n billets. Chaque ligne de ce tableau a été obtenue en faisant un calcul semblable au calcul qu’on a fait ci-dessus. Ce tableau indique donc que la meilleure stratégie est celle où Air Québec vend exactement 104 billets, auquel cas elle pourra espérer encaisser 504,32 \$ de plus que si elle n’avait pas fait de « surbooking ».

En réalité, le modèle mathématique adopté par les compagnies aériennes est plus complexe. Par exemple, à l’aéroport de Chicago, la probabilité qu’un passager rate une connexion est beaucoup plus élevée qu’à Montréal. De même, en hiver, le fait que les retards sont plus fréquents doit aussi être pris en compte. Néanmoins, tous les modèles mathématiques utilisés par les grandes compagnies aériennes reposent essentiellement sur la loi binomiale et, somme toute, sur des mathématiques pas si compliquées.

Les coefficients binomiaux

Le nombre de façons différentes de choisir \(k\) objets parmi un groupe de \(n\) objets est noté \(\begin{pmatrix} n \\ k \end{pmatrix}\) et est donné par l’équation

\[\begin{pmatrix} n \\ k \end{pmatrix} = \frac{n!}{k!(n-k)!}.\]

Par exemple, à la lotto 6/49, une combinaison est une sélection de 6 nombres parmi les nombres 1 à 49. Le nombre total de combinaisons possibles est donc:

\[ \begin{pmatrix} 49 \\ 6 \end{pmatrix} = \frac{49!}{6!(49-6)!} = \frac{49!}{6!43!}=13\,983\,816.\]

Les nombres \(\begin{pmatrix} n \\ k \end{pmatrix}\) sont appelés coefficients binomiaux parce qu’ils apparaissent dans la formule du binôme de Newton. Cette formule nous dit que pour tout entier non négatif \(n\) on a

\[(a+b)^n=\sum_{k=0}^n \begin{pmatrix} n \\ k \end{pmatrix} a^{n-k}b^k. \]

Avec, par exemple, \(n = 4,\) cette formule nous donne:

\[(a+b)^4 =a^4 +4a^3b+6a^2b^2 +4ab^3 +b^4.\]

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