Vito Volterra est surtout connu pour ses travaux sur les équations intégro-différentielles, la dislocation des cristaux et la dynamique des populations. Il fut un opposant résolu au fascisme, n’hésitant pas à renoncer aux honneurs académiques par conviction politique.
Le mathématicien et physicien italien Vito Volterra est né le 3 mai 1860 à Ancône, capitale d’une région d’Italie centrale située sur la côte Adriatique et appelée les Marches. Orphelin de père à deux ans, sa mère plongée dans la pauvreté trouve d’abord refuge chez un oncle. Ils vivent quelque temps à Turin, puis s’installent à Florence.
Vito commence l’étude des mathématiques à l’âge de 11 ans et se plonge dans les Éléments de géométrie d’Adrien-Marie Legendre (1752- 1833) et le Traité d’arithmétique de Joseph Bertrand (1822-1900).
À 13 ans, il lit De la Terre à la Lune de Jules Verne (1828-1905). Inspiré par cette lecture, il cherche à calculer la trajectoire d’un projectile balistique de la Terre vers la Lune en considérant les champs gravitationnels de la Terre et de la Lune. Pour ses calculs, il développe une approche visant à considérer une multitude de très courts intervalles de temps à l’intérieur desquels il peut considérer plusieurs paramètres comme des constantes. Il s’agit là des premiers balbutiements du développement et de la résolution d’équations intégro-différentielles.
Espérant le détourner des mathématiques et le voir entreprendre une carrière dans le commerce, sa famille le met en contact avec un cousin, Edoardo Almagia, qui est ingénieur civil et docteur en mathématiques. Contrairement aux attentes familiales, ce cousin constate que le jeune Vito est très doué pour les mathématiques et l’encourage dans cette voie. Il convainc la famille de laisser Vito suivre sa voie. Il intervient en sa faveur auprès d’Antonio Roiti (1843-1921)1 qui offre à Vito un travail d’assistant au laboratoire de physique de l’université de Florence, même si celui-ci n’est pas encore étudiant à l’université et qu’il poursuit ses études préparatoires.
En 1878, il entre à l’université de Pise et, en 1882, obtient un doctorat en physique sous la direction d’Enrico Betti (1823-1892)2 avec une thèse portant sur l’hydrodynamique.
En 1883, il est nommé professeur en mécanique rationnelle à l’Université de Pise. Dès cette époque, il s’intéresse aux équations fonctionnelles (voir encadré), c’est-à-dire les équations dont les inconnues sont des fonctions, et notamment aux opérateurs intégro-différentiels, ce qui en fait un des fondateurs de l’analyse fonctionnelle3.
À la mort de Betti en 1883, il devient professeur de physique mathématique à Pise et occupe ensuite la chaire de mécanique à Turin, avant d’être nommé à la chaire de physique mathématique à Rome en 1900. Il y réalise des travaux sur la dislocation des cristaux.
Vers les années 1925, le biologiste et naturaliste italien Umberto d’Ancona (1896-1964), son futur gendre, lui propose un problème d’application des mathématiques à la biologie. Le problème consiste à modéliser mathématiquement la dynamique des populations piscicoles en Adriatique. Les statistiques de la pêche montraient une augmentation de la population des prédateurs (requins, raies, etc) au cours de la première guerre mondiale alors que les activités des pêcheurs avaient diminué. On croyait que cette diminution d’activités aurait plutôt dû avoir comme effet une augmentation des stocks de sardines.
Activités politiques
Parallèlement à sa carrière scientifique, Volterra mène une carrière politique. C’est un ardent patriote qui milite pour l’unification de l’Italie. Il est nommé sénateur du royaume d’Italie en 1905. Durant la première guerre mondiale, il rejoint les forces aériennes italiennes dans le corps des ingénieurs, et travaille à l’amélioration technologique de la guerre aérienne.
En 1922, Volterra s’oppose au régime fasciste de Benito Mussolini. Il est l’un des signataires de la « Déclaration intellectuelle ». En 1931, il refuse de signer le serment d’allégeance et doit alors démissionner de son poste universitaire, et part à l’étranger. Il se voit retirer tous ses privilèges et reconnaissances dans les universités italiennes (1931) et à l’Accademia dei Lincei. Il revient à Rome juste avant sa mort en 1940.
Reconnaissance internationale
Vito Volterra a été honoré par plusieurs organismes scientifiques: ainsi, en 1910, il devient membre étranger de la Royal Society de Londres et en 1913, de la Royal Society of Edinburgh. De 1923 à 1927, il est président du Conseil national de la recherche italien et membre de plusieurs académies et sociétés mathématiques à travers le monde. L’Italie lui a remis la Croix de guerre, la France l’a fait Officier de la Légion d’honneur, la Belgique lui a remis l’Ordre de Léopold et la Suède, l’Étoile polaire.
- Membre de l’Accademia dei Lincei et du Conseil national de l’instruction publique. ↩
- Né en Toscane, Enrico Betti est titulaire de la chaire d’analyse et géométrie de Pise en 1859 et de la chaire de physique mathématique en 1864. Il est connu pour ses contributions à l’algèbre et à la topologie, ainsi qu’aux théories de l’élasticité et du potentiel. ↩
- L’analyse fonctionnelle est la branche de l’analyse mathématique qui étudie les espaces de fonctions. ↩