
Lorsqu’on entend le nom de Halley, on pense à l’astronome et à la comète de Halley. Cependant, ce savant s’est intéressé à plusieurs questions scientifiques dont celles des taux de mortalité.
L’astronome, ingénieur et scientifique pluridisciplinaire britannique Edmond Halley est né en 1656 dans un village voisin de Londres. Le père de Halley est un riche savonnier et marchand de sels qui a bâti sa fortune sur les récentes horreurs de la peste bubonique, épidémie qui a donné aux Londoniens le goût de l’hygiène corporelle. Il consacre beaucoup d’argent à l’éducation de son fils qui manifeste une grande curiosité et un vif intérêt pour la science. Dans ses mémoires, Halley écrit :
Dès mes plus jeunes années, je me suis adonné à l’étude de l’astronomie qui m’apportait un plaisir si grand qu’il est impossible de l’expliquer à qui n’a pas fait cette expérience.
Il est probable que Halley s’est intéressé à l’astronomie à l’âge de 10 ans, suite à l’apparition spectaculaire dans le ciel londonien des deux grandes comètes de 1664 et 1665. Ces apparitions étaient d’autant plus spectaculaires pour un garçon de son âge que la superstition populaire rendait la première responsable de la grande peste de Londres et la seconde du grand incendie qui ravagea la capitale.
En 1672, Halley entre au Queen’s College d’Oxford. Il rencontre l’Astronome royal d’Angleterre, John Flamsteed, en 1675. Celui-ci l’aide à publier, à l’âge de dix-neuf ans, son premier article scientifique dans les Philosophical Transactions, revue de la Royal Society de Londres, aujourd’hui encore première société savante du Royaume-Uni. Halley a également des échanges scientifiques avec Isaac Newton (1643-1727). Il s’adresse à celui-ci consistant à calculer l’orbite d’une planète soumise à une force centripète constante qui, à sa connaissance, n’avait jamais été résolu. Newton lui déclare avoir déjà résolu ce problème. Reconnaissant l’importance de la découverte, Halley réussit à convaincre Newton de publier ses travaux. L’ouvrage est publié sous le titre Philosophiae Naturalis Principia Mathematica (Principes mathématiques de philosophie naturelle). Halley s’occupe de la relecture du manuscrit, en écrit la préface et finance la publication de l’ouvrage.
Halley est surtout connu pour avoir le premier déterminé la périodicité de la comète de 1682, qu’il fixe par calcul à 76 ans environ. Lors du retour de cette comète, le 13 mars 1759, elle est baptisée de son nom. C’est l’une des rares comètes qui portent un autre nom que celui de la première personne qui l’a observée.
Statistiques de Breslau
Edmond Halley considérait que le calcul de l’espérance de vie effectué lors de l’analyse par Graunt (John, 1620-1674) des chroniques nécrologiques des villes d’Angleterre était entachée d’un biais important à cause de la grande fluctuation de la population de Londres. La cité était en pleine croissance et le nombre de gens qui partaient des campagnes pour immigrer à Londres pouvait avoir un effet non négligeable sur les conclusions de l’analyse. Il se mit à la recherche d’une ville où la population était relativement stable, dont la variation était due simplement aux taux de natalité et de mortalité. Il fallait de plus que les certificats de naissance et de décès soient émis et conservés pour tous les citoyens. La ville de Breslau en Pologne (aujourd’hui Wroclaw) répondait aux exigences de Halley. Les certificats de décès étaient compilés mensuellement et comportaient plusieurs détails comme l’heure et la date du décès. Ces données1 n’avaient jamais été soumises à une analyse statistique et l’information contenue dans ces dossiers était complète pour une période de cinq années consécutives.
Le tableau présenté au bas de l’article donne le nombre de personnes vivantes en fonction de l’âge compilé lors de cette étude. Voici quelques-unes des observations de Halley.
- Le taux de natalité à Breslau était en moyenne de 1 238 naissances par année et le taux de mortalité de 1 174 décès par année. Parmi ces 1 238 naissances, il y avait 238 décès dès la première année.
- Sur les 1 238 naissances annuelles, seulement 692 enfants atteignaient l’âge de sept ans, soit un taux de mortalité infantile d’environ 44 %.
- Le taux de mortalité pouvait être établi pour chaque groupe d’âges. Ainsi, entre 9 et 25 ans, le taux de mortalité est d’environ 1 % par année.
- Halley a également montré comment calculer la probabilité qu’un individu d’un âge donné vive une autre année ou jusqu’à un âge quelconque. Il prit l’exemple d’un homme de 40 ans. Il y a dans ses relevés 445 individus de 40 ans et il ne reste que 377 individus de 47 ans. Il considère alors que la probabilité qu’une personne de 40 ans vive jusqu’à 47 ans est
\[\frac{377}{445} = 0{,}847\,191… = 84{,}7\%\]
Il se demande également : si on considère un individu d’un âge donné, à quel âge ses chances d’être encore vivant sont-elles de 50 % ? Par exemple, si on considère dans sa table un individu de 25 ans, il y en a 567 et parmi ceux-ci, 282 atteindront l’âge de 57 ans. La probabilité qu’un individu de 25 ans atteigne l’âge de 57 ans est donc de 50 %. - Halley constate de plus que sur les 1 238 naissances, il reste 616 personnes vivantes à l’âge de 17 ans. La moitié des personnes décèdent donc avant d’avoir 17 ans.
Les analyses de Graunt et de Halley ont permis de mettre en évidence de l’information cachée dans l’ensemble des données. C’est le rôle du statisticien de recueillir des données statistiques et de mettre en évidence l’information qui s’y cache. Ces études sur les taux de mortalité ont été approfondies par les compagnies d’assurance-vie qui ont commencé à se former à la fin du XVIIe siècle.
- Ces données lui ont été fournies par le pasteur et théologien Caspar Neumann, né à Breslau. ↩