
Galois est né il y a 200 ans, le 25 octobre 1811 à Bourg-la-Reine. Il est mort en duel le 31 mai 1832. Durant cette vie très brève dans laquelle les mathématiques et la politique s’entremêlent et malgré ce destin tragique, il a eu le temps de faire une découverte qui a apporté de grands changements en algèbre.
Les parents de Galois faisaient partie de la petite bourgeoisie qui avait été favorisée par la Révolution grâce à la sécularisation des écoles cléricales le 2 novembre 1789. Son père Nicolas-Gabriel était directeur de l’école du village et devint maire de Bourg-la-Reine lors des Cent-Jours1 Sa mère, Adélaïde Marie Demande, venait d’une famille de juristes et de magistrats. Elle s’est occupée de l’éducation primaire de ses trois enfants, Nathalie, l’aînée,Évariste et Alfred, le cadet. Cette éducation était centrée sur les humanités, en particulier le latin et le grec.
En 1823, la famille emménage dans un logement derrière le Collège Royal Louis-le-Grand à Paris, où Évariste fait son entrée à 12 ans. Il y débute son engagement politique. Au cours du premier trimestre, les élèves soupçonnent le nouveau proviseur de vouloir rendre la gestion du collège aux Jésuites, qui sont le fer de lance de la réaction de droite qui suivit l’abdication de Napoléon en 1814. Les élèves protestent en refusant de chanter à la chapelle et de porter un toast à Louis XVIII lors d’un banquet de l’école. Quarante élèves sont renvoyés, ce qui contribue à alimenter la méfiance de Galois envers l’autorité. En 1826, il est autorisé à s’inscrire en Mathématiques élémentaires et absorbe très facilement les Éléments de géométrie de Legendre (Adrien- Marie, 1752-1833).
Il se passionne alors pour les mathématiques, délaissant les autres matières, mais il se classe quand même deuxième en grec, grâce à la formation reçue de sa mère. En 1828, il assimile le traité d’algèbre, celui d’analyse et les mémoires de Lagrange (Joseph-Louis, 1736-1813) sur la résolution des équations et les fonctions analytiques. Cette même année, il est lauréat au Concours général de mathématiques. Il décide alors de se préparer en solitaire au concours d’entrée à l’École Polytechnique, dont les concurrents sont habituellement de trois ans plus âgés. Il est recalé au concours tenu à l’été 1828.
À la rentrée de 1828, le professeur Louis- Paul-Émile Richard (1795-1849), qui dirige la classe préparatoire de Mathématiques Spéciales à Louis-le-Grand, admet Galois dans son cours, même si celui-ci n’a pas encore son baccalauréat. Le professeur explicite clairement au reste de la classe les solutions que Galois donne aux problèmes posés.
Le 1er mars 1829, Galois publie son premier article dans les Annales de mathématiques pures et appliquées de Gergonne (Joseph Diaz, 1771-1859). Cet article porte sur le développement périodique en fractions continues des racines d’un polynôme. Galois y démontre que :
Si une des racines d’une équation de degré quelconque est une fraction continue immédiatement périodique, cette équation aura nécessairement une autre racine également périodique que l’on obtiendra en divisant l’unité négative par cette même fraction continue périodique écrite en ordre inverse.
En mars 1829, il remet à Cauchy (Augustin Louis, 1789-1847) les premières ébauches d’un Mémoire sur les conditions de résolubilité des équations par radicaux.
Le 2 juillet, le père de Galois se suicide à la suite d’une cabale menée par ses adversaires politiques qui prônent un retour à l’Ancien Régime. Deux semaines plus tard, secoué par ce drame, Galois échoue une seconde fois au concours d’entrée à Polytechnique. Il décide alors d’entrer à l’École Normale.
Cauchy, qui avait demandé à Galois de réviser son mémoire pour l’inscrire au grand prix de mathématiques de l’Académie, remet le mémoire de Galois à Fourier (Jean Baptiste Joseph, 1768-1830), secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences. Fourier emporte le manuscrit chez lui et meurt peu après. Le manuscrit est perdu et le prix est décerné à Abel (Niels Henrik, 1802-1829) mort l’année précédente et à Jacobi (Charles Gustav Jacob, 1804-1851).
La quête de méthodes générales de résolution des équations avait débuté avec Al-Khawarizmi, qui a développé diverses procédures à partir de notions géométriques des Éléments d’Euclide. À l’époque de Galois, des méthodes générales avaient été découvertes pour exprimer les solutions des équations de degré 2, 3 et 4 à l’aide des radicaux. Depuis près de trois cents ans, les mathématiciens cherchaient à exprimer les solutions des équations de degré cinq à l’aide de radicaux. Galois prit connaissance de ce problème à la lecture de textes de Lagrange. Il résolut définitivement la question en proposant une condition nécessaire et suffisante pour la résolubilité d’une équation par radicaux. Une équation de la forme $$ax^{5} + bx^{4} + cx^{3} + dx^{2} + ex^{1} + f = 0 $$ ne pouvant satisfaire cette condition, il démontrait ainsi que sa résolution à l’aide de radicaux est impossible.
La révolution étudiante
En 1824, Charles X succède à Louis XVIII et le gouvernement accumule les mesures impopulaires – dont la dissolution de la Garde Nationale, créée en 1789, car ses membres ont manifesté contre le gouvernement, et la suppression de la liberté de la presse. Ces mesures provoquent trois journées de révolution, appelées les « trois glorieuses », les 27, 28 et 29 juillet 1830. Le directeur de l’École Normale fait verrouiller les portes pour empêcher les élèves de participer aux manifestations comme le font ceux de Polytechnique, ce qui accroît la frustration de Galois. Charles X quitte Paris et le duc d’Orléans lui succède sous le nom de Louis- Philippe, grâce à des manoeuvres des députés libéraux qui sont jugées frauduleuses par les républicains.
À cause de son implication politique, Galois est emprisonné deux fois. Acquitté la première fois, il est condamné à six mois la seconde fois pour port illégal de l’uniforme de la Garde Nationale. En mars 1832, il est transféré dans une clinique à cause de l’épidémie de choléra qui sévit à Paris. Durant son séjour à cette clinique, il a une brève liaison avec la fille d’un interne. Il semble que c’est suite à la rupture de cette liaison qu’il a été provoqué en duel. Le 29 mai, il révise les textes de ses travaux mathématiques et demande à son ami Auguste Chevalier de les faire éditer.
Le matin du 30 mai, après le duel, il est abandonné dans un champ, grièvement blessé. Relevé par un paysan, il est conduit à l’hôpital Cochin, où il décède de péritonite le 31 dans les bras de son jeune frère Alfred.
Dix ans plus tard, Alfred et Auguste Chevalier convainquent Joseph Liouville (1809-1882) de lire un des articles de Galois écrit en 1830. Liouville le présenta à la communauté scientifique en 1843 en ces termes: « … J’espère intéresser l’Académie en lui annonçant que dans les papiers d’Évariste Galois j’ai trouvé une solution aussi exacte que profonde de ce beau problème : Étant donnée une équation irréductible décider si elle est ou non résoluble par radicaux. »
- Les Cent-Jours désigne la période de l’Histoire de France comprise entre le 1er mars (retour en France de l’empereur Napoléon Ier) et le 22 juin 1815 (seconde abdication) ↩