Annick et Yannick ont entendu parler du nombre d’or en diverses occasions. Ils ont cru comprendre que ce nombre était connu des Grecs, qu’on le retrouvait dans les arts et dans la nature. Intéressés à en savoir plus, ils interrogent Alexandra
Alexandra
Disons tout d’abord que le nombre d’or est la valeur d’un rapport. Pour les Grecs, c’était le rapport obtenu par la division d’un segment de droite en « extrême et moyenne raison », selon l’appellation qu’ils utilisaient
Annick
Et ça veut dire?
Alexandra
Pour eux, cela signifiait déterminer sur un segment de droite AB le point C tel que le rapport de la longueur du segment AB sur celle du segment AC est égal au rapport du segment AC sur celle du segment BC. C’est-à-dire:
\[\displaystyle\frac{\overline{AB}}{\overline{AC}}=\frac{\overline{AC}}{\overline{CB}}\]
Annick
Je vois! La longueur du segment BC est moyenne proportionnelle entre les deux autres longueurs.
Yannick
Et c’est quoi la valeur du rapport?
Alexandra
Supposons que la longueur de BC est a et celle de AC est b. La longueur du segment CB est alors a – b et le rapport s’écrit:
\[\displaystyle \frac{a}{b}= \frac{b}{a-b} = \frac{1}{\frac{a}{b}-1}.\]
En posant \(\phi =a/b\) on a \(\phi = \displaystyle \frac{1}{\phi-1}.\) Êtes-vous capable de trouver la valeur de \(\phi\) avec cette équation ?
Annick
Facile! Ça donne une équation quadratique \(\phi^2 – \phi – 1 = 0.\)
Yannick
Mais on trouve deux valeurs:
\[\phi=\displaystyle \frac{1 \pm \sqrt{5}}{2}.\]
Alexandra
Le nombre d’or est la valeur positive, sa valeur en décimales est 1,61803… C’est un nombre irrationnel. Ce qui est remarquable, c’est que l’on retrouve ce rapport dans diverses figures géométriques.
Yannick
Comme?
Alexandra
On le retrouve dans certains triangles isocèles, dans des rectangles, dans les pentagones et les décagones.
Annick
Quels triangles isocèles?
Alexandra
Considérons un triangle isocèle ayant deux angles de 72° et un angle de 36°. Si je trace la bisssectrice d’un des angles de 72°, est-ce que vous êtes capable de voir des proportions dans ce triangle?
Yannick
C’est sûr! On a vu en géométrie que la bissectrice divise le côté opposé dans le rapport des côtés adjacents. Cela veut dire que:
\[\displaystyle\frac{\overline{AC}}{\overline{BC}}=\frac{\overline{AD}}{\overline{DB}}\]
Alexandra
Voyez-vous qu’en traçant la bissectrice, j’ai également construit d’autres triangles isocèles?
Annick
Oui! Les triangles ADC et BCD sont isocèles.
Yannick
En plus, le triangle BCD est semblable au triangle BAC.
Alexandra
Vous rapellez-vous d’une propriété des triangles isocèles?
Annick
Aux angles congruents sont opposés des côtés congruents. On a donc:
\[\overline{AC} = \overline{AB} \: \text{et} \: \overline{BC}= \overline{CD}=\overline{AD}.\]
Yannick
Ça veut dire qu’on peut remplacer dans la proportion et ça donne:
\[\displaystyle\frac{\overline{AB}}{\overline{AD}}=\frac{\overline{AD}}{\overline{DB}}.\]
Alexandra
Quelle conclusion en tirez-vous?
Yannick
Le point D divise le côté AB en extrême et moyenne raison.
Annick
On peut aussi dire que dans un triangle isocèle qui a un angle de 36° et deux angles de 72°, le rapport du grand côté sur le petit donne le nombre d’or.
Alexandra
Vous avez raison et on peut même écrire:
\[\displaystyle\frac{\overline{AB}}{\overline{AD}}=\frac{\overline{AD}}{\overline{DB}}=\frac{\overline{AC}}{\overline{DC}}=\phi.\]
Annick
Donc dans un triangle isocèle qui a deux angles de 36° et un angle de 108°, le rapport du grand côté sur le petit donne le nombre d’or.
Alexandra
Le premier triangle isocèle est dit de type TA (A pour angles aigus) et le second est dit de type TO (il a un angle obtus).
Alexandra
Regardons maintenant la construction que l’on peut faire à partir d’un triangle TA. En prenant le sommet C comme centre et la longueur du côté CA comme rayon, je trace un arc de cercle qui rencontre le prolongement de BC au point D. Je trace alors le segment DA.
Yannick
Le triangle DAB est un triangle TA!
Annick
On peut recommencer en prenant la longueur de BD comme rayon.
Alexandra
Tout à fait et voici ce que ça donne.
Elle sort un dessin de son sac.
Les triangles TO s’enroulent en spirale autour du triangle initial et à chaque étape la figure globale est un TA.
On peut faire la même chose en débutant avec un triangle TO.
Les géomètres grecs disaient que ces triangles sont le gnomon l’un de l’autre. (Le gnomon est ce qu’il faut ajouter à une figure pour obtenir une figure semblable à celle à laquelle elle a été ajoutée.)
Annick
Tu disais qu’on retrouve également le nombre d’or dans les pentagones!
Alexandra
Sortant un autre dessin de son sac.
J’ai tracé ce pentagone régulier convexe hier soir. Est-ce que vous pouvez me donner la mesure de ses angles intérieurs?
Annick
On a vu au cours de géométrie que la mesure des angles intérieurs d’un polygone régulier convexe à n côtés est donnée par:
\[\alpha=\frac{n-2}{n} \times 180°.\]
Dans le cas du pentagone régulier convexe, on a donc:
\[\alpha=\frac{3}{5} \times 180°= 180°.\]
Alexandra
Si je trace les segments AC et AD, qu’est-ce que vous voyez?
Yannick
Je vois un TA flanqué de deux TO.
Alexandra leur montre alors quelques autres illustrations.
Annick
Je suis convaincue, on retrouve bien ce rapport dans plusieurs figures géométriques, mais pourquoi appeler ce rapport le « nombre d’or »?
Alexandra
Il faut rappeler que les Pythagoriciens croyaient que l’univers est régi par les nombres. Cette conviction a été reprise par Platon qui a été initié à la doctrine pythagoricienne par Archytas de Tarente. Plusieurs penseurs et artistes ont acquis la conviction que cette proportion était un des secrets de la beauté qui avait été utilisé dans la création de l’univers. La grande diversité de fleurs à cinq pétales ne pouvait que renforcer cette
conviction.
Alexandra dépose des photos de fleurs sur la table.
Luca Pacioli (1445-1517) a écrit, en 1498, un ouvrage intitulé De divina proportione (la divine proportion) dans lequel il donne les raisons pour lesquelles ce rapport est appelé la divine proportion:
- Comme Dieu, elle est unique.
- Comme la Sainte Trinité, qui est une substance en trois personnes, elle est une seule proportion en trois termes:\[\frac{a}{b}=\frac{b}{a-b}.\]
- Comme Dieu, qui ne peut se définir en paroles, elle ne peut s’exprimer par des nombres intelligibles (entiers) et par des quantités rationnelles, mais est toujours occulte et secrète et appelée par les mathématiciens irrationnelle.
- Comme Dieu, elle est toujours semblable à elle-même.
- La cinquième raison est le rôle qu’elle joue dans la construction du dodécaèdre, cinquième corps régulier de Platon, dont toutes les faces sont des pentagones réguliers convexes.
Yannick
Cocasse!
Annick
En effet! Mais ça ne nous explique pas comment les artistes ont pu utiliser cela. En peignant des fleurs?
Alexandra
Je vais vous donner seulement deux exemples très différents. Voici d’abord un tableau de Piero della Francesca intitulé Le Baptême du Christ. J’ai préparé hier un transparent sur lequel j’ai tracé deux cercles et les pentagones étoilés inscrits. Que remarquez-vous?
Annick
On voit que le Christ est encastré dans un triangle TA!
Yannick
On voit aussi que la colombe qui symbolise l’Esprit-saint est à la pointe de ce triangle.
Annick
La structure géométrique semble délimiter des régions de la toile à l’intérieur desquelles sont placés les personnages selon leur importance.
Alexandra
Voila, c’est une façon d’exploiter les figures géométriques reliées au nombre d’or dans la peinture. Mais le temps file, je vous propose un autre exemple1. Dans sa démarche artistique, le peintre hollandais Pieter Mondrian (1872-1944) considérait que la peinture devait permettre de parvenir à un état de bien-être intérieur et que cet objectif est atteint par les rapports de lignes, de couleurs, de surfaces. Dans les rapports entre lignes, il appréciait tout particulièrement la perpendicularité, et dans le positionnement de ces lignes, il a eu recours à la division en extrême et moyenne raison. J’ai préparé un schéma de la démarche de construction de l’un de ses tableaux, appelé Composition en blanc et noir — seules les couleurs ont été changées. En écrivant le nom Mondrian dans Google, vous pourrez voir divers tableaux de la période où Mondrian a exploité ces éléments géométriques.
Pour en s\(\alpha\)voirplus !
Regards sur la peinture, Mondrian, Éditions Fabbri, Paris, 1988
Krivinek, Jean Paul. « Le mythe du nombre d’or »:
http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article796
- Voir Nautile,nombre d’or et spirale dorée, Accromath, vol. 3, été-automne 2008. ↩