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Sophie Germain

Par André Ross
Volume 4.2 - été-automne 2009

Jusqu’au XXe siècle, très peu de femmes ont pu contribuer au développement des mathématiques et des sciences, car elles ne pouvaient faire des études avancées. Celles qui ont laissé leur marque dans l’histoire des mathématiques et des sciences ont dû vaincre la désapprobation de la société de leur époque. L’une d’elles est Marie-Sophie Germain, considérée comme une des premières mathématiciennes françaises.

Sophie Germain était la deuxième fille d’un marchand de soie, Ambroise-François Germain. À l’ge de treize ans, elle lit un chapitre sur la vie d’Archimède dans la bibliothèque de son père. Elle y apprend que, lors de la prise de Syracuse, Archimède fut tué par un soldat romain qu’il refusa de suivre, car il était plongé dans la résolution d’un problème de géométrie. Sophie Germain semble avoir été impressionnée par ce récit qui éveilla son intérêt pour les mathématiques. Celles-ci devaient être fort passionnantes pour qu’Archimède ignore le soldat romain au risque de sa vie. Sophie Germain se plonge en autodidacte dans les travaux d’Euler et de Newton et s’initie à la théorie des nombres et au calcul différentiel et intégral.

Constatant cet engouement, son père tente de la dissuader de se tourner vers une profession « masculine », mais il finit par abdiquer devant la détermination de sa fille et accepte de la soutenir moralement et financièrement.

Elle ne peut être admise à l’École Polytechnique, réservée aux hommes, mais en empruntant l’identité d’un ancien élève, Antoine Auguste Le Blanc, elle se procure les notes de cours de l’École. Parmi ces notes de cours, il y a celles de Joseph-Louis Lagrange (1736-1813) à qui elle fait parvenir ses remarques sous le couvert de son pseudonyme. Impressionné par la qualité des échanges, Lagrange cherche à rencontrer son correspondant et finit par découvrir le subterfuge. Il devient alors l’ami et le mentor de la jeune fille qu’il présente à la communauté scientifique.

Sophie Germain travaille sur le théorème de Fermat pendant plusieurs années et démontre un théorème de théorie des nombres qui porte maintenant son nom, le Théorème Sophie Germain. En 1804, utilisant toujours son nom d’emprunt, elle prend contact avec Carl Friedrich Gauss (1777-1855) suite à la lecture de son ouvrage Disquitiones arithmeticae (1801). Ses échanges avec Gauss portent sur le grand théorème de Fermat.

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Lorsqu’en 1806 Napoléon envahit la Prusse et Brunswick, la ville natale de Gauss, Sophie Germain, se rappelant la mort d’Archimède, demande au général Joseph Marie de Pernety de veiller à la sécurité de Gauss. Le général explique alors à Gauss que Sophie Germain lui a demandé de le protéger. Comme Gauss ne connaît pas de Sophie Germain, le général doit lui dévoiler la véritable identité de Auguste Le Blanc. Gauss lui écrit alors son admiration pour sa détermination et sa persévérance dans l’étude des mathématiques malgré tous les obstacles qu’elle a dû surmonter. Leur correspondance prend fin en 1808 alors que Gauss est nommé professeur d’astronomie à l’université de Göttingen et se consacre alors aux mathématiques appliquées, délaissant les champs d’intérêt de Sophie Germain.

Gauss, apprenant la supercherie, écrit à Sophie Germain

Comment vous décrire mon admiration et mon étonnement de voir mon estimé correspondant Monsieur Le Blanc se transformer en ce fameux personnage qui me donne un brillant exemple de ce que j’aurais du mal à croire. Le goût des sciences abstraites en général et plus particulièrement des mystères des nombres est extrêmement rare. Les charmes de cette sublime science ne se révèlent qu’à ceux qui ont le courage de l’explorer en profondeur. Mais quand une personne du sexe qui, du fait de nos coutumes et préjugés, doit surmonter plus de difficultés que les hommes pour se familiariser avec ces épineuses questions, réussit néanmoins à dépasser ces obstacles et à appréhender leur partie la plus obscure, alors elle doit sans aucun doute posséder un noble courage, des talents extraordinaires et un esprit supérieur. De fait, rien de plus flatteur et moins équivoque, que la prédilection avec laquelle vous avez honoré cette science, qui a enrichi ma vie de tant de joie, ne pourrait me montrer que ses attraits ne sont pas chimériques.

Lettre du 30 avril 1807,
jour de l’anniversaire de naissance de Gauss

Au début du XIXe siècle, les femmes sont jugées incompétentes pour comprendre des travaux scientifiques; elles ne peuvent traditionnellement avoir accès à la connaissance des progrès scientifiques qu’au cours de discussions mondaines ou à la lecture des livres de vulgarisation qui leur sont spécifiquement destinés.

En 1808, le physicien allemand Ernst Chladni visite Paris et y présente des expériences sur les plaques vibrantes. L’Institut de France lance alors un concours pour :

formuler une théorie des surfaces élastiques1 et montrer qu’elle est en accord avec les résultats expérimentaux.

Entre 1811 et 1816, Sophie Germain présente trois mémoires à ce concours. Après avoir échoué deux fois, elle réussit finalement en 1816. Ses travaux sur ce sujet l’opposent à Siméon Denis Poisson, qui défend une interprétation moléculaire des vibrations d’une membrane.

La notoriété acquise par ces mémoires valent à Germain de rencontrer le mathématicien Joseph Fourier (1768-1830) avec qui elle se lie d’amitié. Grèce à l’appui de Fourier, elle est la première femme autorisée à assister aux séances de l’Institut, privilège qui jusqu’alors était réservé aux femmes des membres de l’Institut.

Sur la suggestion de Gauss, l’université de Göttingen, décerne à Germain un titre honorifique, en 1830, mais elle meurt d’un cancer du sein, le 27 juin 1831, avant de recevoir ce prix.

Sophie Germain se distingue avant tout par son refus de se soumettre aux moeurs et aux préjugés de son époque et sa persévérance dans l’étude des mathématiques.

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  1. En fait, les connaissances mathématiques nécessaires pour aborder convenablement le problème des surfaces élastiques ne furent développées que durant la seconde moitié du XIXe siècle. ↩
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