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Voyez-vous ce que je vois?

Par Frédéric Gourdeau
Volume 3.1 - hiver-printemps 2008

Entre la preuve visuelle et le paradoxe, il n’y a parfois qu’un petit pas … qu’il vaut mieux ne pas franchir.

Lorsqu’il n’était pas occupé dans le pays des merveilles de son Alice, Lewis Carroll, de son vrai nom Charles Dodgson, occupait sa grande imagination en étudiant et en concoctant de jolis puzzles mathématiques, franchissant allégrement le pas entre la réalité et la fiction… mathématique. En voici un1:

Du carré au rectangle

On découpe le carré de gauche dont le côté est de longueur 8 pour former quatre morceaux.
voyez_img1

On les replace ensuite pour obtenir le rectangle de droite. Facile? Oui, mais alors l’aire du carré et celle du rectangle doivent être égales : formidable, on a montré que 64 = 65!

Dans ce casse-tête, il y a un piège et les pièces ne s’emboîtent pas aussi bien qu’il n’y paraît à première vue. On peut s’en rendre compte en comparant les pentes des diagonales ou en montrant que certains triangles ne sont pas semblables. On peut même voir que la partie non-couverte dans le rectangle est en fait un parallélogramme, trop mince pour être visible au premier coup d’œil.

Voyez-vous Fibonacci?

La suite de Fibonacci:

1, 1, 2, 3, 5, 8, 13, 21, 34, …

est en fait à la base du casse-tête de Lewis Carroll. Cette suite, dans laquelle chaque terme est la somme des deux précédents (en débutant avec deux 1), possède plusieurs propriétés remarquables. On retrouve le 8 du carré, décomposé en deux côtés de mesure 3 et 5, et les dimensions du rectangle que sont 5 et 13. De plus, le fait que 8×8 ne diffère que par 1, ce qui est crucial pour que le casse-tête soit presque juste, n’est pas une coïncidence.

Prenons un carré de 21 cm de côté que l’on divise en quatre morceaux comme on l’a fait pour le carré 8 par 8, les rôles de 3 et 5 étant maintenant joués par 8 et 13.

En réarrangeant ces pièces, on obtiendra (presque) un rectangle de dimension 13 par 34. Or $21 \times 21=441$ et $13 \times 34=442,$ et on n’y verra que du feu!
voyez_img2

À la recherche de la vérité

Un paradoxe comme celui-ci est avant tout un divertissement, une petite énigme à résoudre, et rien dans l’édifice des mathématiques n’est remis en question. Cependant, on est ici alerté à l’erreur dans notre raisonnement ou dans la figure parce que la conclusion est choquante: on sait bien que 65 n’est pas égal à 64, d’où le besoin de résoudre le paradoxe.

Lorsque l’on est à la recherche de la vérité mais qu’on ne la connaît pas, ce qui est généralement le cas en recherche, on ne peut pas vérifier notre raisonnement uniquement si on obtient une conclusion troublante. Il faut pouvoir raisonner de manière juste, et ce en toute circonstance. Cette manière de voir, valide en recherche mathématique, est aussi pertinente dans la vie de tout citoyen. Il faut pouvoir apprécier un raisonnement non pas parce que la conclusion nous plaît bien mais parce que le raisonnement est correct, sans quoi les préjugés ont toute la place.

Un œil habitué

Le casse-tête précédent ne doit cependant pas nous rendre trop méfiants. Considérez la preuve du théorème de Pythagore présentée dans l’encadré suivant:

Preuve ou pas?

voyez_img3
Le triangle rectangle est divisé en deux petits triangles, rectangles eux aussi. Comme l’aire de figures semblables est proportionnelle au carré de leur dimension, le théorème de Pythagore est vrai.

Dans cette preuve2 illustrée du théorème de Pythagore, il y a bien peu d’information. Est-ce une preuve? Cela dépend surtout de l’interlocuteur. Une personne à l’œil habitué verra rapidement que l’on a voulu ici dessiner un triangle générique, c’est-à-dire un triangle qui représente tous les triangles rectangles. Puis, elle se convaincra (ou se rappellera) que les triangles sont bien semblables, étant tous trois rectangles tout en ayant deux angles communs lorsque pris deux-à-deux.

Il reste alors à bien comprendre le sens de la dernière partie. Les trois triangles peuvent être décrits ainsi: il s’agit de trois triangles rectangles semblables dont les hypoténuses respectives sont de mesure $a, b$ et $c.$ Notons ces triangles par $\blacktriangle a, \blacktriangle b$ et $\blacktriangle c.$ Si l’on compare l’aire de ces triangles à celle d’un triangle de même forme et d’hypoténuse de longueur 1 (noté $\blacktriangle 1$), on obtient:

\[\text{Aire}\: (\blacktriangle a)=a^2 \:\text{Aire}\: (\blacktriangle 1) \\ \text{Aire}\: (\blacktriangle b)=b^2 \:\text{Aire}\: (\blacktriangle 1) \\\text{Aire}\: (\blacktriangle c)=c^2 \:\text{Aire}\: (\blacktriangle 1)\]

Et, comme le $\blacktriangle c$ est divisé exactement pour donner $\blacktriangle a$ et $\blacktriangle b,$ les aires s’additionnent bien, sans paradoxe cette fois, et on a:

\[a^2+b^2=c^2.\]

Fibonacci

Léonard de Pise
(1170-1250)

Mieux connu sous le surnom de Fibonacci, Leonardo Pisano est né en Italie, mais il reçut son éducation en Afrique du Nord où son père Guilielmo occupait un poste diplomatique. Il était le représentant des marchands de Pise au port méditerranéen de Bougie (maintenant Bejaia, au nord-est de l’Algérie). Fibonacci y apprit les mathématiques et comprit les avantages du système de numération indo-arabe.

Fibonacci a laissé son nom à la suite de nombres obtenue en résolvant un des problèmes présentés dans la troisième section du Liber abaci. Ce problème est le suivant:

Un homme installe un couple de lapins naissants dans un endroit clos. Combien de couples de lapins obtient-on à la fin d’une année si chaque couple peut se reproduire au second mois de son existence et produit alors un nouveau couple chaque mois?

La solution de ce problème donne la suite de nombres:

\[\{1; 1; 2; 3; 5; 8; 13; 21; 34; 55; 89; 144; \ldots\}\]

Il y a donc 144 couples de lapins à la fin de l’année. On remarque qu’à partir de 2, chaque terme de la suite est la somme des deux termes qui le précèdent. On peut aussi remarquer que ces nombres ont plusieurs propriétés, dont celle-ci: la différence entre le carré d’un nombre de Fibonacci et le produit du nombre de Fibonacci qui le précède par celui qui le suit est toujours 1.

Pour en s\(\alpha\)voirplus !

WAKELING, Edward. Rediscovered Lewis Carroll Puzzles, Dover 1995.

PDF

  1. Ce paradoxe, attribué à O. Schlömilch, « Ein geometrisches Paradoxon ». Zeitschrift für Mathematik und Physik, 13 (1868) p.162, a été retrouvé dans les papiers de Lewis Carroll après sa mort. ↩
  2. Cette preuve est attribuée par B.L. van der Waerden (Geometry and Algebra in Ancient Civilizations, Springer 1983, p. 30) à H.A. Naber, Das Theorem des Pythagoras, Haarlem, 1908. Elle a cependant été popularisée par George Polya dans son livre Les Mathématiques et le raisonnement plausible, Gauthier-Villars, 1958. ↩
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Tags: Logique mathématique

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