Annick veut savoir ce qu’est une preuve par récurrence.
Annick
Bonjour Alexandra. J’ai lu qu’il y a une méthode de preuve qui s’appelle preuve par récurrence. De quoi s’agit-il?
Alexandra
Bonjour vous deux. Le raisonnement par récurrence est un outil très puissant que l’on attribue à Blaise Pascal. À l’aide de cette méthode, on peut démontrer des propriétés relatives aux nombres entiers positifs.
Yannick
Peux-tu nous donner un exemple?
Alexandra
D’accord! Considérons les expressions suivantes :
\[1 = 1^2\]
La somme des deux premiers entiers impairs donne :
\[1 + 3 = 4 = 2^2\]
On peut donner une représentation visuelle de cette somme en disposant des billes de la
façon suivante :
\[1 + 3 =2^2\]
Si on ajoute cinq billes à cette configuration, on obtient :
\[1+3+5=3^2\]
On constate que le nombre \(5\) que l’on vient d’ajouter forme la ligne extérieure. De la même façon, en ajoutant \(7\) billes, on a :
\[1+3+5+7=4^2\]
Puis, en ajoutant neuf autres billes :
\[1+3+5+7+9=5^2\]
Qu’est-ce que vous remarquez d’intéressant?
Annick
La somme des \(n\) premiers entiers impairs est égale à \((n+1)^2.\)
Alexandra
En effet, c’est une conjecture que nous pouvons formuler, mais dont nous ne sommes pas encore en mesure de démontrer qu’elle est toujours vraie. Supposons maintenant que cette propriété est vraie pour les \(k\) premiers entiers impairs. Cela signifie que :
\[1+3+5+7+\dotsb+(2k+1)=(k+1)^2\]
Yannick
Cela signifie aussi qu’on peut former un carré de côté \(k+1\) de la façon suivante :
\[1+3+5+7+\dotsb+(2k+1)=(k+1)^2\]
La ligne extérieure est \(2k+1,\) le dernier terme de notre somme.
Alexandra
En effet! Maintenant que se passe-t-il si on ajoute à la somme l’entier impair qui suit \(2k+1\)?
Yannick
L’entier impair suivant est \(2k+3.\) On peut alors ajouter une ligne de \(k+1\) billes et une colonne de \(k+1\) billes et une autre bille pour compléter le carré.
On a donc ajouté :
\[2(k+1)+1=2k+3\]
et on a formé un autre carré.
Alexandra
Cela signifie que si ;
\[1+3+5+7+\dotsb+(2k+1)=(k+1)^2\]
alors :
\begin{align*}
1+3+5+7+\dotsb+(2k+1)+(2k+3)&=(k+1)^2+(2k+3) \\
&=k^2+2k+1+(2k+3) \\
&=k^2+4k+4 \\
&=(k+2)^2
\end{align*}
Qu’est-ce que cela nous permet de conclure?
Annick
On peut conclure que la propriété est toujours vraie.
Yannick
Je suis d’accord! On a montré que si c’est vrai pour la somme des \(k\) premiers entiers impairs, alors c’est vrai pour la somme des \(k+1\) premiers entiers impairs. Or, on a vérifié que c’est vrai pour \(1,\) pour \(2,\) pour \(3,\) pour \(4\) et pour \(5.\) Puisque c’est vrai pour \(k=5,\) c’est vrai pour \(k+1=6.\) Puisque c’est vrai pour \(k=6,\) alors c’est vrai pour \(k+1=7\) et ainsi de suite. C’est donc vrai pour tout \(n.\)
Alexandra
Nous venons de faire une démonstration par récurrence. Ce type de démonstration comporte deux étapes :
- Vérifier d’abord que la propriété est vraie pour une première valeur.
- Montrer ensuite que si la propriété est vraie pour un \(k\) quelconque, alors elle est vraie pour \(k+1.\)
Lorsque ces deux conditions sont satisfaites, on peut conclure que la propriété est vraie pour tout \(n\) supérieur ou égal à la première valeur considérée.
Yannick
Pourquoi on ne pouvait faire cela avec la conjecture de Polignac1?
Alexandra
Dans la conjecture de Polignac, on ne peut démontrer la deuxième partie. Si on pose comme hypothèse que la proposition est vraie pour un entier impair \(k,\) cela signifie que \(k\) peut s’exprimer comme la somme d’une puissance de \(2\) et d’un nombre premier, mais on ne sait pas quelle est cette puissance ni quel est ce nombre premier. On n’est pas plus avancé.
Annick
Puisque la deuxième condition est indémontrable, on ne peut rien conclure par cette méthode, mais le contre-exemple indique que la conjecture de Polignac est fausse.
Alexandra
Pour illustrer le principe de la preuve par récurrence, on utilise souvent une analogie avec des dominos ou avec une échelle.
Pour faire tomber une suite de dominos aussi longue que l’on veut (voire de longueur
infinie2), il faut :
- Faire tomber le premier domino.
- Qu’en tombant, le domino \(k\) entraîne dans sa chute le domino \(k+1.\)
Alors, le premier domino, en tombant, entraîne en séquence tous les autres dominos dans sa chute.
Yannick
Je comprends. C’est la même chose pour l’échelle. Pour monter jusqu’au sommet d’une échelle, de longueur infinie, il faut :
- Prendre pied sur le premier barreau.
- Qu’à partir du barreau \(k\) on puisse accéder au barreau \(k+1.\)
Annick
C’est quand même assez astucieux comme méthode de preuve.
- Voir l’article Pourquoi démontrer ce qui est évident?, dans ce numéro. ↩
- Voir l’article de Frédéric Gourdeau L’infini, c’est gros comment?, vol. 2, hiver-printemps 2007. ↩