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Édouard Lucas

Par André Ross
Volume 11.1 - hiver-printemps 2016

Ɂdouard Lucas est connu pour sa généralisation de la suite de Fibonacci et pour son test de primalité des nombres de Mersenne. Il a également publié sous un pseudonyme des livres de récréations et de jeux mathématiques.

Le mathématicien français Ɂdouard Lucas est né à Amiens, le 4 avril 1842. Il est issu d’une famille modeste, son père étant artisan tonnelier. À l’époque, les communes ont la responsabilité de l’instruction primaire. Exceptionnellement, pour des candidats très talentueux issus de milieux modestes, la commune endosse la responsabilité de l’éducation secondaire. Boursier de la commune d’Amiens, Lucas y débute ses études secondaires au Lycée impérial (appelé maintenant lycée Louis-Thuillier), où il obtient un baccalauréat. Il poursuit sa formation au lycée de Douai pour y suivre un cours de mathématiques supérieures indispensable pour avoir accès aux grandes écoles.

Soucieux de l’importance de recruter des candidats susceptibles d’acquérir une bonne formation scientifique en vue d’améliorer la recherche et l’enseignement des sciences en France, Louis Pasteur1 (1822-1895) convainc Lucas d’opter pour l’Ɂcole Normale Supérieure plutôt que l’Ɂcole Polytechnique.

Après son agrégation, Lucas travaille à l’Observatoire de Paris sous la direction d’Urbain Le Verrier (1811-1877). Cependant, Le Verrier entre souvent en conflit avec le personnel de l’observatoire. Plusieurs astronomes voient leur salaire ou leurs vacances coupés arbitrairement par Le Verrier, qui dénigre la qualité de leur travail pour justifier ces coupures. Lucas n’y échappe pas et, à partir de 1866, Le Verrier s’acharne sur lui. En 1869, fatigué de ces conflits, Lucas demande qu’on lui assigne un poste dans un lycée.2

La guerre franco-allemande éclate le 19 juillet 1870 et durant ce conflit, Lucas sert en tant qu’officier dans l’artillerie. Après la guerre, il entreprend une carrière dans l’enseignement des mathématiques, d’abord au lycée de Moulins en Auvergne (1872-1876), puis à Paris au lycée Charlemagne (1876-1879 et 1890-1891) et au lycée Saint-Louis (1879-1890).

Lucas meurt à Paris en 1891 des suites d’un accident malheureux. Lors d’un banquet, au congrès tenu à Marseille par l’Association française pour l’avancement des sciences, un serveur échappe une pile d’assiette et Lucas, blessé à la joue par des éclats, est infecté par un streptocoque. Il meurt quelques jours plus tard d’une infection de la peau appelée érysipèle.

Suite de Lucas

La plupart des travaux de Lucas sont en théorie des nombres, domaine de recherche qui n’était pas très à la mode en France à l’époque. Il s’est intéressé à la suite de Fibonacci

\[f_1= 1, f_2= 1, f_n= f_{n – 1}+ f_{n – 2} \]

et a développé une suite associée appelée suite de Lucas,

\[f_1= 1, f_2= 3, f_n= f_{n – 1}+ f_{n – 2}.\]

On doit à Lucas un test de primalité pour les nombres de Mersenne, amélioré dans les années 1930 par Derrick Henry Lehmer (1905-1991). Ce test est encore utilisé de nos jours.

Les Récréations mathématiques de Lucas comprennent quatre tomes, dont les deux premiers ont été publiés par Lucas lui-même sous le pseudonyme N. Claus de Siam, professeur au collège de Li-Sou-Tsian à un anagramme de Lucas d’Amiens, professeur à Saint Louis. Il y présente le jeu des tours de Hanoï.3 Les deux derniers tomes de ses Récréations mathématiques sont publiés à titre posthume (1882-1894).

Test de primalité de Lucas

On appelle nombre de Mersenne un nombre de la forme \(M_n = 2^n – 1,\) ouÌ€ \(n\) est un entier naturel. Ainsi

\[M_1=2^1-1=1, M_2=2^2-1=3, M_3=2^3-1=7,\\ M_4 = 2^4- 1 = 15, M_5= 2^5- 1 = 31, \cdots\]

Si \(M_n\) est un nombre premier, on dit que c’est un nombre premier de Mersenne. Il est facile de vérifier que si \(M_n\) est premier alors son indice \(n\) lui-même doit être premier (voir la Section problèmes). La réciproque est cependant fausse, ainsi,

\[M_{11} = 2^{11} – 1 = 2 047 = 23 \times 89.\]

Dans son ouvrage Théorie des fonctions numériques simplement périodiques édité en 1878, Lucas présente le théorème suivant :

Théorème

Soit \(M_p = 2^p – 1,\) ouÌ€ \(p\) est un nombre premier impair, et soit la suite \(s_k\) telle que

\[s_k = \left \{ \begin{array} {l c l} 4 & & \text{si} \: k=1 \\ s^2_{k-1} -2 & & \text{si} \: k \geq 2 \end{array}\right ..\]

Alors \(M_p\) est premier si et seulement si \(M_p\) divise \(s_{p-1}.\)

La suite des \(s_k\) est telle que chaque terme est égal au carré du précédent diminué de deux unités,

\[\{4; 14; 194; 37\, 634; 1\, 416\, 317\, 954; \cdots \}.\]

Considérons par exemple le nombre de Mersenne \(2^{13}-1 = 8\,191,\) en divisant les nombres de la suite par \(8\, 191\) on a alors

\[ \begin{array} {r c l}4& = & 0 \times 8\,191 + 4 \\ 14 & =& 0 \times 8\,191 + 14\\ 194 & = &0 \times 8\,191 + 194\\ 37 634 & =& 4 \times 8\,191 + 4\,870\\ 1\, 416\, 317\, 954 & =& 172\, 911 \times 8 \,191 + 3\, 953\end{array} \]

En poursuivant ainsi, la suite des restes est

\[\{4; 14; 194; 4\, 870; 3\, 953; 5\, 970; 1\, 857; \\ 36; 1\, 294; 3\, 470; 128; 0\}.\]

Puisque \(s_{12} = 0,\) alors \(M_{13}\) est premier.

En 1876, Lucas avait utilisé ce théorème pour montrer que le nombre de Mersenne \(M_{127}\) est premier. À ce jour, il s’agit du plus grand nombre premier découvert sans l’aide d’un ordinateur. En base 10, l’écriture du nombre \(M_{127}\) comporte 39 chiffres.

Le plus grand nombre premier de Mersenne connu, a été découvert en 2013, c’est le nombre \(M_{57\, 885\, 161}.\) En décimal, il comporte 17 425 170 chiffres. Il a été trouvé dans le cadre du Great Internet Mersenne Prime SearchàGIMPS (www.mersenne.org).

M127 = 170 141 183 460 469 231 731 687 303 715 884 105 727

PDF

  1. Célèbre notamment pour ses travaux sur la fermentation et la mise au point d’un vaccin contre la rage, Louis Pasteur est administrateur et directeur des études scientifiques de l’Ɂcole Normale Supérieure depuis 1857. Ɂdouard Lucas et Gaston Darboux (1842-1917) sont deux des candidats prometteurs recrutés par Pasteur. ↩
  2. Le Verrier sera finalement destitué et remplacé par Charles-Eugène Delaunay (1816-1872) en mars 1870. ↩
  3. Voir l’article de Benoît Rittaud, Les tours de Hanoi et la base trois. ↩
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Tags: Portrait d'un mathématicien

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