Connu depuis à peine une centaine d’années, le traité d’Archimède La méthode revêt un caractère tout à fait unique dans l’histoire des mathématiques. Le grand Syracusain y explique une « méthode mécanique » lui permettant de discerner certaines relations mathématiques, mais n’en fournissant pas pour autant une preuve acceptable à ses yeux. Distinction primordiale, donc, entre
Le grand mathématicien Carl Friedrich Gauss (1777-1855) est renommé pour son souci à ne présenter dans ses écrits que des contenus épurés, débarrassés de tout propos inutile — à ses yeux —, notamment quant au cheminement parcouru ou hésitations éprouvées avant d’en arriver à la vision finale qu’il présente d’un thème mathématique donné. On lui prête même l’aphorisme suivant: « Quand un bel édifice est achevé, on ne doit pas y lire ce que fut l’échafaudage. » Une telle approche résolument formelle, qui vient taire tout tâtonnement ou même toute motivation pouvant sous-tendre la démarche, est typique de maints exposés en mathématiques, hier comme aujourd’hui.
D’autres mathématiciens éminents ont voulu au contraire mettre en relief divers aspects du parcours, voire des parcours, pouvant mener à la résolution d’un problème ou à l’élaboration d’une théorie. Parmi les exemples célèbres du siècle dernier, il convient de mentionner deux mathématiciens (qui furent tous deux quasi centenaires): Jacques Hadamard (1865-1963) et son Essai sur la psychologie de l’invention dans le domaine mathématique, ainsi que George Pólya (1887-1985) et ses riches réflexions sur le sujet réunis dans son fameux triptyque: Comment poser et résoudre un problème, Les mathématiques et le raisonnement plausible et La découverte des mathématiques.
À propos de l’aphorisme de Gauss
Cet aphorisme de Gauss se retrouve abondamment dans la littérature mathématique, mais habituellement sans référence précise. Il ne semble pas que l’on connaisse de texte où Gauss lui-même s’exprime dans ces mots.
Ce dicton prend sans doute sa source dans la biographie de Gauss publiée un an après sa mort par son collègue et ami Wolfgang Sartorius von Waltershausen, professeur de géologie et de minéralogie à l’Université de Göttingen, où on lit que Gauss « avait coutume » de tenir de tels propos — Gauss zum Gedächtnis, p. 82 (voir la section Pour en savoir plus). Gauss, souligne son collègue, cherchait toujours à donner à ses recherches la forme d’œuvres d’art achevées et épurées — sans fla-fla inutile, pourrait-on dire — et préférait dans ses démonstrations recourir à la méthode synthétique (plutôt qu’analytique), méthode dont la concision avait pour effet de taire le chemin de la découverte.
Sartorius von Waltershausen fait aussi un lien avec la maxime inscrite (en latin) sur le sceau de Gauss: Pauca sed matura (Peu mais mûrs) — ibid., p. 82. Les travaux publiés par Gauss, bien que fort abondants, sont en effet loin de couvrir tous les sujets sur lesquels il s’est penché.
Un exemple important et exceptionnel de mathématicien révélant un « truc du métier » mis en œuvre dans ses recherches mathématiques est fourni par Archimède (~287 – ~212) dans son traité La méthode.1 Ce court texte est remarquable par l’approche mécanique qui y est proposée en vue d’identifier certains résultats, qui furent ensuite rigoureusement établis par le Syracusain à l’aide d’une preuve en bonne et due forme. Archimède distingue donc nettement ici entre le fait d’en venir à une supposition concernant une situation mathématique — par exemple, qu’une certaine relation permet d’exprimer l’aire d’une figure donnée —, et la justification rigoureuse de cette relation.
La découverte du texte La méthode
Véritable coup de théâtre au sein de la communauté scientifique, la réapparition de La méthode en 1906 fit bien des vagues. On connaissait déjà, par l’intermédiaire d’autres écrits historiques, l’existence de ce traité d’Archimède, mais depuis belle lurette on le croyait à jamais disparu. C’est au philologue et historien danois Johan L. Heiberg (1854-1928) que l’on doit la première publication de La méthode, à partir d’un mystérieux palimpseste constitué principalement de parchemins contenant des textes d’Archimède, dont deux jusque-là inédits.
Le mot palimpseste, du grec palímpsêstos \((\pi \alpha \lambda \iota \mu \psi \eta \sigma \tau \omicron \varsigma)\) signifie littéralement « gratté de nouveau ».2 Ce terme désigne un parchemin préalablement utilisé et dont les écrits originaux ont été effacés dans le but d’y écrire autre chose. Dans le cas présent, les textes d’Archimède, retranscrits au cours du 10e siècle possiblement par un moine copiste, ont été grattés de la surface du document au 13e siècle, pour être alors remplacés par des prières. Les travaux du mathématicien furent ici, dans un premier temps, vraisemblablement préservés grâce aux efforts de religieux, puis par la suite oblitérés, ironiquement pour des motifs religieux.
Reste que le document, vieux de plusieurs siècles et depuis longtemps oublié dans quelques monastères au Moyen-Orient, s’est éventuellement retrouvé dans les mains de Heiberg. Au terme d’un travail colossal, celui-ci est parvenu à déchiffrer les écrits d’Archimède, encore ancrés profondément dans le parchemin mais à peine visibles. Au cours du dernier siècle, le document, comme beaucoup d’autres œuvres, fut victime du temps et des affres de la Deuxième guerre mondiale.3 De nos jours, le manuscrit se trouve au Walters Art Museum, à Baltimore, et est dans un bien piètre état physique. Néanmoins, il est toujours scruté attentivement par une équipe de spécialistes à l’aide de techniques avancées d’imagerie numérique, de sorte qu’il révèle peu à peu quelques autres secrets qu’il recèle.
Un calcul archimédien
Contrairement aux autres écrits d’Archimède, le traité La méthode n’a été connu qu’assez récemment, sa découverte remontant à il y a un peu plus d’un siècle. Certains, en raison des propos tenus par le grand géomètre dans un autre de ses ouvrages, La quadrature de la parabole, entrevoyaient déjà l’existence d’un traité exploitant résolument des principes de mécanique. Leurs attentes furent largement dépassées et le palimpseste présentant un texte jusque-là perdu d’Archimède est maintenant reconnu comme une pièce historique d’une valeur inestimable.
Dans ce remarquable opuscule, Archimède dévoile à son contemporain Ératosthène le stratagème à saveur « mécanique » (p. 478)4 qui lui permit de découvrir certains théorèmes relatifs à l’aire et au volume de divers objets géométriques. Il espère que grâce à cette approche, et malgré son caractère insolite, « d’autres propositions (…) seront trouvées par d’autres, tant parmi ceux qui vivent que parmi ceux qui doivent encore naître » (p. 479). Toutefois, il met bien en garde son destinataire: pour lui, il est clair que « l’investigation par cette méthode est exclusive d’une démonstration » (p. 478): le mathématicien ne saurait s’en satisfaire!
Ainsi, dans son traité La méthode, Archimède s’intéresse au résultat suivant à propos de l’aire de la région délimitée par une droite coupant une parabole en deux points donnés (proposition 1):
Soit une région ABC délimitée par la droite AC et par la parabole ABC. Coupons la droite AC en deux parties égales au point D, menons la droite DB parallèlement à l’axe de la parabole, et menons les droites AB, BC. Je dis que la région ABC vaut une fois et un tiers le triangle ABC.
Cette curieuse construction du triangle ABC n’est que le début de la surprenante combine d’Archimède. Ce dernier dresse par la suite un échafaudage géométrique assez complexe autour de la parabole, tout cela dans le but d’exploiter sa singulière géométrie. Ainsi, traçons la tangente à la parabole en C. Alors celle-ci intersecte DB en un point E tel que le segment DE a pour milieu le point B. Il s’agit là d’une particularité des paraboles, bien connue à cette époque, qu’Archimède lui-même ne fait que rappeler au tout début de son traité La quadrature de la parabole.
Menons également en A, selon les indications d’Archimède, une autre parallèle à l’axe de la parabole, qui croisera au point F la tangente en C. Ces deux droites forment, avec le segment AC, un triangle dans lequel est contenue la région parabolique. En exploitant une autre des propriétés de la parabole, Archimède observe que la relation suivante est satisfaite pour n’importe quel segment MNPO parallèle à l’axe:
\[\frac{MO}{OP} = \frac{CA}{AO}.\]
En utilisant ces relations ainsi qu’une kyrielle de triangles semblables, il s’ensuit non seulement que N est le point milieu de MO, mais aussi que
\[\frac{MO}{OP} = \frac{CK}{KN}.\]
(voir à ce propos la Section problèmes). Prolongeons en le doublant le segment CK jusqu’au point dénommé C’. Imaginons maintenant que le segment C’N est en fait un levier dont K est le point d’appui. Le segment MO y est accroché en N, qui se trouve à être également son centre de gravité.5 Archimède lui-même était indubitablement un spécialiste dans la matière, ayant présenté, entre autres choses, le principe du levier ainsi qu’une étude du centre de gravité des triangles dans son œuvre De l’équilibre des figures planes (voir l’encadré Soulever la Terre).
Ensuite, sur le bras opposé à MO du soi-disant « levier » C’N, dupliquons le segment PO bien centré en C’. Ainsi, la relation mathématique précédente, devenue
\[\frac{MO}{O’P’} = \frac{C’K}{KN’}.\]
montre que le rapport entre les masses des segments MO et O’P’ est inversement proportionnel au rapport des distances de chaque segment au point K. En pratique, cela signifie que ces deux segments sont en équilibre sur le levier dont le point d’appui est en K.
Cette propriété est satisfaite pour n’importe quel segment MNPO parallèle à l’axe. Le triangle ainsi que la parabole étant « balayés » par tous les segments de droites de ce type (respectivement MO et PO), le triangle devrait faire équilibre à la parabole « concentrée » à l’autre bout du levier. Le triangle, lui, peut de même être concentré en son centre de gravité. Mais où se trouve-t-il? Archimède affirme que celui-ci se trouve à exactement un tiers du segment CK en partant de K, point identifié par W sur le schéma.6 Ainsi,
\[\frac{\text{Triangle} \: ACF}{\text{Parabole} \: ABC} = \frac{3}{1},\]
de sorte que le triangle ACF a une aire triple de celle de la région parabolique. Pour retrouver le résultat tel qu’énoncé par Archimède, il suffit de remarquer que le triangle ACF est quatre fois plus grand, en aire, que le triangle ABC.
Soulever la Terre
Alors que les mathématiciens révèrent Archimède pour ses nombreuses découvertes en mathématiques, tous reconnaissent l’éminent Grec à la légendaire réplique: « Donnez-moi un point d’appui et un levier, et je soulèverai le monde. » Archimède a en effet consacré un ouvrage complet à l’étude du principe du levier et des centres de gravité. En plus de ses travaux dans De l’équilibre des figures planes, il aurait également partagé ses découvertes dans deux autres traités, Des leviers et Des centres de gravité, ouvrages qui nous sont fort probablement perdus à jamais.
Le remarquable théorème à propos duquel on prête à Archimède sa célèbre citation, soit le principe du levier, peut s’énoncer comme suit (De l’équilibre …, propositions 6 et 7):
Des corps s’équilibrent à des distances inversement proportionnelles à leur masse.
Par exemple, le fait de déposer la Lune sur un levier au bout duquel serait posée la Terre, avec un point d’appui judicieusement choisi, suffirait à faire basculer notre belle planète. Impressionnant, non? (Voir la Section problèmes.) Ce n’est toutefois pas un projet que l’on peut penser mettre à exécution de sitôt, car il n’est pas évident de trouver un point d’appui au milieu du grand vide intersidéral…
La mécanique de La méthode
Un élément-clé distingue clairement la démarche utilisée par Archimède dans La méthode de ses démonstrations plus traditionnelles, soit l’usage de principes mécaniques. Le cœur du procédé consiste en effet à placer notre parabole sur un levier, puis à positionner une seconde figure géométrique de sorte qu’elle fasse équilibre à la première. La saveur de cette mise en scène se reflète d’ailleurs dans le fait qu’Archimède parle du « poids » (p. 483) des droites formant la parabole.7 Les objets mathématiques deviennent ici des objets physiques, d’où la méthode dite mécanique.
Pourtant, dans le domaine de la science, il est plutôt d’usage de modéliser mathématiquement les phénomènes physiques, de les traduire, en s’appuyant sur une forte idéalisation, en termes de mathématiques pures.
Cette approche remonte de fait à l’Antiquité et est tout naturellement qualifiée d’« archimédienne », car le grand ingénieur y avait lui-même recours dans ses traités de mécanique. Or, le traité La méthode introduit un véritable renversement de situation! Le raisonnement y repose en effet sur le principe que si, selon les lois de la nature, un certain phénomène est vérifiable en pratique, alors il doit en être de même en théorie. Cette philosophie s’apparente d’ailleurs à une approche longtemps utilisée avant le calcul numérique, à savoir le calcul analogique (voir l’encadré Raisonner puis calculer par analogie).
On pourrait même dire qu’Archimède lui-même, selon La méthode, devait réfléchir par analogie: il utilisait ses connaissances en physique comme une sorte de boussole en mathématiques. Le traité est donc d’un grand intérêt non seulement par l’originalité de la méthode qui y est proposée, mais surtout par le contact fascinant qu’il nous procure avec l’esprit inventif d’un des plus ingénieux créateurs que l’humanité ait portés. On pénètre alors, pour ainsi dire, dans l’intimité intellectuelle même du grand maître qu’a été, et demeure, Archimède!
Raisonner puis calculer par analogie
Certains se souviendront peut-être de la fameuse règle à calcul, compagne de plusieurs générations d’étudiants de sciences et de génie jusqu’à il y a à peine quelques décennies. Avant l’apparition de la calculatrice de poche, cet instrument était couramment utilisé pour effectuer des multiplications, divisions et autres opérations plus complexes. Ses origines remontent à l’introduction des logarithmes au début du 17e siècle par John Napier (1550-1617).
Pour trouver, par exemple, un produit sur une règle à calcul, le principe est le suivant. Sur deux règles sont inscrits les nombres selon une échelle logarithmique. Le logarithme de 1 étant 0, la graduation débute à 1, puis les autres nombres sont placés à une distance proportionnelle à leur valeur en logarithme. La distance entre 1 et 2 est par conséquent log 2. Pour calculer le produit de 2 et 3, il suffit d’aligner le 1 de la règle du haut vis-à-vis le 2 de celle du dessous, de manière à additionner les deux longueurs log 2 et log 3. Ainsi, la réponse, 6, se retrouvera face au nombre 3. La règle à calcul permet donc de multiplier en utilisant la propriété additive des logarithmes:
\[\log ab = \log a + \log b.\]
La règle à calcul est l’un des premiers exemples de calculateurs analogiques. Ces derniers sont des machines permettant d’effectuer des calculs mathématiques en s’appuyant sur des phénomènes physiques — par exemple électriques, mécaniques ou hydrauliques — modélisés par le truchement de mesures continues. Ainsi, dans le cas de la règle à calcul, les opérations arithmétiques sont réalisées en utilisant la mesure de certaines longueurs.
Voici un autre exemple illustrant de manière frappante les possibilités du calcul analogique. Jusqu’au milieu des années 70, des circuits électriques étaient utilisés afin de résoudre toutes sortes d’équations différentielles. Le principe repose sur le fait que la tension dans un circuit électrique satisfait à certaines relations mathématiques. Par exemple, lorsqu’un condensateur, préalablement chargé par une source de tension de E volts, se décharge à travers une résistance montée en série, le phénomène peut être décrit par l’équation différentielle
\[C \frac{dV(t)}{dt} + \frac{V(t)}{R} = 0,\]
où t désigne le temps écoulé depuis le début de l’expérience, C, la capacité du condensateur en farads, R, la résistance en ohms, i, l’intensité du courant en ampères, et V(t) est la tension aux bornes du condensateur au temps t.
On peut vérifier que la solution analytique de ce « circuit RC »est \(V(t)=V_0 e^{-t/RC},\) où V est la tension au départ. Ainsi, en induisant une tension égale à \(V_0\) dans un tel circuit, la variation du potentiel au fil du temps devrait correspondre à la solution de l’équation différentielle précédente, avec condition initiale \(V_0.\) Avec un circuit électrique plus sophistiqué et une plus grande variété d’opérateurs, il est possible de simuler des équations différentielles bien plus complexes. La solution se trouve en mesurant la différence de potentiel du système. De telles machines étaient appelées calculateurs analogiques électroniques: elles tirent profit de nos connaissances en matière de réseaux électriques pour résoudre des problèmes purement mathématiques.
Les calculateurs analogiques étaient abondamment utilisés à une certaine époque, entre autres parce qu’ils étaient plus rapides que leurs « cousins » numériques existant alors (basés, eux, sur une modélisation à l’aide de quantités numériques discrètes). Néanmoins, la construction d’un réseau électrique modélisant analogiquement l’équation différentielle désirée pouvait être fort fastidieuse et une importante source d’erreurs. Avec les nouvelles avancées dans le domaine de l’informatique, ce type de méthode est maintenant obsolète… tout comme la bonne vieille règle à calcul!
Le legs offert par Archimède
Archimède lui-même jugeait que sa méthode, bien que très astucieuse, manquait de rigueur mathématique. Ainsi, en commentant sa preuve à propos de l’aire de la région parabolique, il insiste sur le fait que la méthode qu’il vient d’utiliser ne permet que de découvrir de nouveaux théorèmes, rappelant que celle-ci « ne démontre sans doute pas ce qui précède, mais donne jusqu’à un certain point l’idée que la conclusion est juste » (p. 484). Aussi ajoute-t-il que pour réellement prouver son résultat, une « démonstration géométrique » (p. 484) en bonne et due forme est de mise.
Mais pourquoi donc transmettre cette méthode, si elle n’est pas digne d’une « véritable » preuve mathématique? Archimède est très clair à cet égard: s’il prend la peine de nous faire des « confidences » en divulguant sa manière d’explorer certaines situations mathématiques inconnues, c’est qu’il espère en fait que celle-ci, bien que purement heuristique, saura inspirer d’autres mathématiciens et leur permettra de découvrir eux-mêmes de nouveaux théorèmes. Il souligne d’ailleurs que « la recherche de la démonstration, précédée d’une certaine connaissance des questions par cette méthode, est, en effet, plus aisée que sa recherche sans cette connaissance » (pp. 478-479). Ainsi, bien que l’inventeur juge sa méthode mécanique trop informelle, l’intuition qu’elle lui fournit est, elle, tout à fait bonne et utile.
Malheureusement pour Archimède, son vœu ne fut pas exaucé: le traité dans lequel il expose sa méthode ayant été perdu pendant plus d’un millénaire, celle-ci n’eut pratiquement aucun rôle dans les développements mathématiques menant au calcul moderne. Reste que cette technique fut des plus fécondes pour le grand Syracusain, car La méthode compte pas moins d’une quinzaine de théorèmes.8
Archimède réitère maintes fois, à propos de sa « méthode », qu’il découvre par le biais de la mécanique, mais démontre par la géométrie, une distinction primordiale chez lui. C’est dans son ouvrage La quadrature de la parabole qu’il présente ce qu’il considère comme une « véritable » preuve du résultat discuté ici. Il en résulte un exposé élégant et ingénieux dans lequel son fameux résultat sur l’aire d’un segment de parabole est le point culminant d’un surprenant dénouement dramatique — un fabuleux témoignage où cet esprit méticuleux fait primer les canons de rigueur de son époque. On y reviendra dans un prochain numéro d’Accromath.
Pour en s\(\alpha\)voir plus!
- Les citations d’Archimède sont tirées de la traduction de La méthode parue dans
VER EECKE, Paul, Les œuvres complètes d’Archimède, tome 2 (pp. 477-519). Liège, Vaillant-Carmanne, 1960. - Les tribulations au fil des âges de ce qu’il est maintenant convenu d’appeler le palimpseste d’Archimède
(alias Codex C) — c’est-à-dire le fameux manuscrit vendu à l’encan chez Christie’s en 1998 — sont racontées de manière fort savoureuse dans
NETZ, Reviel et NOEL, William, Le codex d’Archimède: les secrets du manuscrit le plus célèbre de la science. Paris, J.C. Lattès, 2008.
On trouvera dans ce livre des renseignements tant à saveur historique que sur la teneur et l’ampleur des travaux de recherche maintenant en cours. - La version la plus récente du texte La méthode (mais en grec seulement!) se retrouve dans l’impressionnant livre NETZ, Reviel, NOEL, William, TCHERNETSKA, Natalie et WILSON, Nigel, The Archimedes Palimpsest (vol. 2, pp. 68-129). Cambridge University Press, 2011.
Chaque page du texte grec est accompagnée d’une spectaculaire photographie en couleur d’une page du palimpseste, obtenue par les techniques d’imagerie numérique mises en œuvre dans le décryptage du palimpseste d’Archimède: imagerie multispectrale, spectométrie de fluorescence X (alias XRF, pour X-ray fluorescence), etc. (L’illustration de la page 19 de l’article se retrouve à la page 270 de ce livre.) - Le site The Archimedes Palimpsest (http://archimedespalimpsest.org) contient une foultitude de renseignements (historiques et autres) sur le palimpseste, de même que de nombreuses capsules vidéo impliquant les principaux responsables des travaux en cours sur le palimpseste.
- Le texte Gauss zum Gedächtnis (À la mémoire de Gauss) de Wolfgang Sartorius von Waltershausen (Leipzig, S. Hirzel Verlag, 1856) est accessible comme livre Google à l’url http://books.google.de/books?id=h_Q5AAAAcAAJ (traduction en anglais disponible à https://archive.org/details/gauss00waltgoog).
C’est dans ce texte biographique qu’est mentionné entre autres le fameux épisode de Gauss enfant trouvant d’emblée la somme d’une progression arithmétique (texte en allemand, pp. 12-13) — anecdote qu’un Gauss âgé se plaisait à raconter lui-même. On y trouve aussi la citation la plus connue attribuée à celui qu’on a surnommé le « Prince des mathématiciens »: « Les mathématiques sont la reine des Sciences, et l’Arithmétique, la reine des Mathématiques. » (ibid., p. 79) - À propos du calcul analogique, on pourra consulter le texte « Origines et développement du calcul analogique », pp. 522-528, dans
IFRAH, Georges, Histoire universelle des chiffres, tome 2. Robert Laffont, 1994,
ou encore le site https://interstices.info/jcms/c_33558/les-calculateurs-analogiques#1b
- Plus explicitement, La méthode relative aux théorèmes mécaniques. ↩
- Le préfixe palin-, « de nouveau, en sens inverse », se retrouve également dans le mot palindrome, « qui court en sens inverse ». On peut penser ici à un nombre palindrome (123 454 321) ou encore à une phrase palindrome (Ésope reste ici et se repose). ↩
- L’histoire du palimpseste d’Archimède est racontée dans le livre de Netz et Noel mentionné, en 3e de couverture, dans la section Pour en savoir plus! ↩
- Les citations textuelles d’Archimède sont accompagnées d’un numéro de page renvoyant à la traduction de Ver Eecke — voir la section Pour en savoir plus! en 3e de couverture. ↩
- On observera ici un changement de perspective, la longueur MO étant perçue comme une masse. Cette double vision longueur/masse joue un rôle-clé dans le raisonnement qui suit. ↩
- Dans De l’équilibre des figures planes, Archimède montre (proposition 14) que le centre de gravité d’un triangle se trouve au point d’intersection de ses médianes. On peut montrer géométriquement où précisément se situe ce point le long d’une médiane (voir Section problèmes). ↩
- En grec bárous \((\beta \acute{\alpha} \rho \omicron \upsilon \varsigma),\) déclinaison de báros qui signifie « poids » – cf par exemple notre mot « barycentre ». ↩
- En particulier, c’est grâce à sa méthode mécanique qu’Archimède parvint à déterminer le volume de la sphère, un sujet auquel il consacra un ouvrage entier intitulé De la sphère et du cylindre. ↩