Le paradoxe était graphique. Une série de 9 images A, B, C, D, E, F, G, H, I était proposée. Chacune était obtenue à partir de la précédente en réduisant la taille de l’image de moitié et en replaçant côte à côte quatre réductions pour obtenir une image de la taille initiale. L’image A était une copie de la célèbre Mona Lisa, l’image B comportait 4 Mona Lisa… comme si elle avait été photographiée par un photomaton. L’image C en comportait 16. L’image D en comportait 64, etc. On précisait que le nombre de pixels était conservé d’une image à l’autre car les pixels étaient seulement déplacés.
Étrangement, l’image I (la neuvième) était identique à l’image A (la première), qui était donc « revenue » comme par miracle! Il s’agissait d’expliquer cet étrange paradoxe graphique.
La solution est mathématique et s’appliquerait à toute transformation déplaçant les pixels d’une image. Puisque seuls des déplacements de pixels sont opérés d’une image à l’autre, cela signifie que la transformation est ce qu’en mathématiques on appelle une permutation des pixels.
Notons \(p\) cette permutation. Sur le dessin ci-haut, on a :
\(B = p(A), C = p(p(A)), \)etc.
On sait que les permutations d’un ensemble fini constituent un groupe, ce qui signifie (entre autres choses) qu’il existe un entier \(k,\) tel que \(p\) opéré \(k\) fois est la transformation identité (c’est-à-dire l’opération qui ne change rien). Cela explique pourquoi on revient à l’image initiale.
Ce résultat peut sembler un peu abstrait, en réalité il est facile : lorsque l’on opère des modifications d’ordre bien précises et qu’on les recommence, on finit toujours par revenir à son point de départ. Voici un exemple simple qui fera comprendre l’idée.
Dans une liste de 5 objets, on échange le premier et le troisième, et, en même temps, on fait passer le deuxième en position 4, celui qui est en position 4 est mis en position 5 et celui qui est en position 5 est mis en position 2 :
\(abcde \to ceabd.\)
Si, partant de \(abcde,\) on recommence sans cesse cette transformation, on obtient successivement les agencements décrits dans l’illustration ci-dessous. On est revenu au point de départ en 6 étapes.
Avec nos pixels, la situation était analogue, et donc on était certain dès le départ que l’image initiale réapparaîtrait. Pour justifier qu’elle réapparaît à la huitième itération exactement (ni avant, ni après) il faut entrer dans le détail de la définition de la transformation du photomaton. L’image utilisée comporte 256 lignes et 256 colonnes (numérotées de 0 à 255). La transformation du photomaton consiste à réaliser l’opération suivante sur les numéros des lignes : on prend les lignes de rang pair qu’on fait suivre de celles de numéro impair. De même, pour les numéros des colonnes (cela explique l’apparition de quatre versions en plus petit de l’image initiale). Le pixel (0, 0) reste donc en position (0, 0) ; le pixel (1, 0) passe en position (128, 0) ; le pixel en position (1, 1) passe en position (128, 128) ; le pixel en position (4, 5) passe en position (2, 130), etc. (pour un numéro pair 2k on passe à k, pour un numéro impair 2k + 1 on passe à 128 + k). L’étude de cette transformation n’est pas très difficile (elle peut aussi être simulée par ordinateur) et conduit au résultat qu’en huit étapes exactement chaque pixel est revenu à sa place. Pour plus de détails voir le lien internet : http://www.lifl.fr/~mathieu/transform
Structure de groupe (note de la rédaction)
Un groupe est un ensemble d’éléments qui est muni d’une opération satisfaisant les propriétés suivantes. Le résultat de l’opération doit être un élément de l’ensemble (propriété de fermeture). De plus, l’opération doit être associative, elle doit avoir un élément neutre et chaque élément de l’ensemble doit avoir un inverse pour l’opération. Ces propriétés sont exactement celles que possède l’opération d’addition des nombres entiers.
Considérons l’ensemble
{0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11}.
Définissons une opération d’addition des éléments de cet ensemble basée sur le principe de l’« horloge » illustrée à droite. On a alors :
11 + 1 = 0, 9 + 3 = 0, etc.
On remarque qu’à partir de n’importe quelle heure, si on additionne, par exemple, quatre de façon répétitive, on revient inévitablement à la même « heure ». C’est le même principe que la transformation du photomaton.
On peut montrer que l’ensemble,
{0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11}
muni de l’addition sur le principe de cette horloge, a une structure de groupe.