Chacun connaît le paradoxe du menteur. Un personnage dit « je mens ». S’il dit vrai, alors il ment, donc il ne dit pas vrai : c’est absurde. S’il ment, alors ce qu’il dit est vrai, et donc il ne ment pas : c’est absurde. On interprète souvent ce paradoxe en indiquant qu’il faut s’interdire les phrases autoréférentes (c’est-à-dire parlant d’elles-mêmes).
Les choses ne sont peut-être pas si simples comme le montre la situation suivante. Supposons donnée une infinité de personnages (appelés Dupont-0, Dupont-1, …, Dupont-n, …) placés en ligne les uns derrière les autres :
- Dupont-0 est placé en tête de la rangée infinie et n’a personne devant lui.
- Dupont-1 est placé juste derrière Dupont-0,
- Dupont-2 est placé juste derrière Dupont-1, etc.
Chaque Dupont prononce la phrase : « au moins une personne derrière moi ment ». Qui dit vrai? Qui ment? D’après le sens des phrases prononcées :
- derrière tout Dupont qui dit vrai, il y a au moins un Dupont qui ment ;
- si un Dupont ment alors tous les Dupont derrière lui disent la vérité.
Si on désigne par M les Dupont qui mentent et par H ceux qui sont honnêtes et donc ne mentent pas, les deux règles précédentes se traduisent en :
a) derrière tout H, il y a au moins un M;
b) derrière un M, il n’y a que des H.
Or, il est impossible de concevoir une suite infinie de M et de H qui vérifie les règles (a) et (b), car tout M doit être suivi uniquement de H, ce qui ne se peut pas puisque tout H doit être suivi d’au moins un M. Comme dans le cas du paradoxe du menteur, mais cette fois sans aucune auto-référence (directe ou indirecte) la situation est contradictoire.