Le paradoxe précédent était basé sur les énoncés suivants :
- La troisième phrase est vraie et vous êtes la personne la plus riche du monde.
- La troisième phrase n’est pas vraie.
- Une au moins des deux premières phrases est vraie.
En raisonnant par l’absurde sur ces énoncés, on avait conclu que la troisième phrase est vraie, que la seconde était fausse, vous étiez donc la personne la plus riche du monde puisqu’au moins une des deux premières phrases est vraie.
Ce paradoxe est ce qu’on appelle un paradoxe de l’autoréférence. Dans un tel paradoxe, accepter de considérer que les phrases envisagées sont vraies ou fausses conduit inévitablement à des contradictions : il n’y a pas d’erreur de raisonnement.
Le plus simple paradoxe de l’autoréférence est le fameux paradoxe du menteur :
je suis en train de mentir
Si on considère que l’énoncé est vrai, c’est que je mens, donc l’énoncé est faux. Il y a donc une contradiction.
Si on considère que l’énoncé est faux, je mens et donc l’énoncé vrai. Il y a encore une contradiction.
On obtient toujours une contradiction selon que l’on considère l’énoncé vrai ou faux.
De nombreuses théories ont été proposées pour traiter les paradoxes de l’autoréférence. La plus simple consiste à décréter : les phrases autoréférentes ne sont pas de vraies phrases et doivent être interdites comme le sont les phrases grammaticalement incorrectes. Une telle théorie est cependant insatisfaisante puisque certaines phrases autoréférentes ne créent pas de problèmes. C’est le cas de la phrase « je suis en train d’écrire cette phrase ».
D’autres théories plus subtiles sont moins radicales, mais aucune aujourd’hui ne fait l’unanimité chez les spécialistes et les paradoxes de l’autoréférence restent donc assez mystérieux.
Notons que les paradoxes de l’autoréférence ne contaminent pas les systèmes de raisonnements utilisés en mathématiques (il serait très grave pour les mathématiciens de rencontrer des contradictions dans leurs théories), mais qu’au contraire, soigneusement adaptés, ils permettent de prouver des théorèmes intéressants : théorèmes d’incomplétude de Gödel1, théorème de Tarski2 sur les prédicats de vérité.